Inventer l’avoir

Addenda au Museum der Obsessionen  : une collection de collections

Être et Avoir. 9 collections exposées, Nîmes, Esban / Fage, Lyon, 2018, p.184-239.

 

 

Collectionner suppose parfois une véritable créativité dont rendent peu compte les nombreuses approches psychologiques du collectionneur ou de la collectionneuse. Pour la prendre au sérieux, il importe de se départir de tout a priori relatif à la qualité de la personne concernée : qu’elle soit artiste ou non n’est pas le sujet. Valoriser les collections d’art plutôt que d’autres est non moins discutable. L’inventivité en la matière ne se mesure ni à la qualité esthétique des objets collectionnés, ni à leur nature. Elle ne se limite pas non plus aux « collections comme forme d’art », aux « musées d’artistes », ou encore aux « archives d’artistes », tous sujets passablement explorés.

Dans son programme pour un Musée des Obsessions, Harald Szeemann n’oubliait pas « Die Obsession des Sammeln als grundlage für die bildnerische Tätigkeit » ni « Die Obsession des Sammlers, seine Identität ». Pour chaque inventeur de collection, celle-ci, quand bien même elle serait portée par un esprit de système, est une entreprise éminemment subjective. Parcourir ce monde des inventeurs de collections, leurs obsessions, ne peut être qu’une collection de cas, difficilement classables sans en réduire la singularité, peu assignables à quelque résidence historico-sociologique. Comme toute collection de cas, celle qui suit a ses limites : celle des obsessions de son propriétaire et du hasard de ses rencontres. Le réseau de relations qui la sillonne témoigne de cette histoire personnelle.

Ils collectionnent

En 1974, François Mathey organisa une exposition[1] restée fameuse réunissant quatre-vingts collections privées d’objets les plus divers qui pouvaient passer tour à tour pour insolites ou sans intérêt. Poussant la provocation, il se déclarait relativiste en matière de goût, allant jusqu’à mettre en doute les critères qui présidaient à l’élection des chefs-d’œuvre admis au Louvre. Il y avait là des collections de girouettes, de paniers, d’enseignes, de masques à gaz, de couteaux, de sifflets, de briquets, de boutons, d’interrupteurs et prises de courant, de chouettes, de porte-plume, de capsules, de poids, de pipes, de sucres en morceaux, de cafetières, de petits chevaux, d’insignes politiques, toutes collections qui apparaissent plus moins fréquemment, depuis, dans les « salons des collectionneurs » et autres « foires à la brocante ». Jean-Claude Baudot, l’un des collectionneurs sollicités, – celui-là même qui, en 1958-59, avait réalisé avec Jacques Séguéla le premier tour du monde en 2 CV – s’apprêtait, du reste, à publier un important Annuaire des collectionneurs[2].

Certaines collections tournaient autour de savoir-faire ou de métiers particuliers : outils, couteaux, objets relatifs à la boulangerie, au cirque, à la   prestidigitation, etc. D’autres – timbres de table, instruments de musique, poids d’Asie, balances de changeurs, lunettes et lorgnettes, briquets à silex – sentaient davantage la salle de ventes ou la boutique de l’antiquaire. On se trouvait alors sur les terres de Maurice Rheims[3]. Avec les cailloux de Roger Caillois, on lorgnait vers les anciens cabinets de curiosités[4].

Quant aux collections de jeux d’aluette, de construction, de toupies, de fèves des rois, de cloches et sonnailles, de canivets, de découpis, de bois d’Épinal, d’ex-voto, d’assiettes de Creil ou de plaques de comices agricoles, si elles n’étaient déjà au musée des Arts et Traditions populaires qui avait ouvert deux ans auparavant, au Bois de Boulogne, du moins auraient-elles pu y figurer. Venaient s’ajouter les marrons et les noix de coco sculptés avec quoi l’on se rapprochait de l’art brut. Mathey, du reste, avait accueilli dès 1967 la collection de Dubuffet au musée des Arts décoratifs[5].

Les collections de bustes 1900, de bouchons de radiateurs, de tirelires américaines, de bustes de Mickey ou de robots relevaient, elles, de la « vintagisation » des objets et des icônes de la société de consommation que les tenants du Pop Art avaient promus dans leurs œuvres.

Les vieux papiers, enfin, – passeports et congés, papier-monnaie, étiquettes de vins et de fromages, faire-part, tableaux-réclame, calendriers, emballages de papier-toilette, tickets de bus et de métro, chromos, dossier sur l’affaire Dreyfus, images de la guerre de 14-18, tracts aériens – étaient largement représentés. On touchait là à l’un des genres les plus anciens de la collection non orthodoxe.

Dans l’exposition de François Mathey, c’est à Françoise et Guy Selz que revenait la palme de la plus importante sélection en matière d’art populaire : 300 objets choisis parmi quelque 30 000 numéros accumulés : chromolithographies découpées à l’emporte-pièce, albums d’images, papiers dentelle, imagerie populaire, journaux anciens, chansons illustrées, canivets, fixés sous verre, reliquaires, peintures naïves, ex-voto en bois, en tissu, en plâtre, en verre ou en papier, « principalement des choses particulièrement périssables[6] ».

Collections en tout genre

Aujourd’hui, avec Internet, plusieurs sites se concurrencent désormais sur le terrain de la collection : on y fait des recherches en compulsant des dizaines de catégories avec elles-mêmes des centaines de sous-divisions[7].

L’Arche aux collections[8] établissait en 2017 des liens avec 216 collections plus ou moins déjà connues : « affiches de cinéma ; albums d’images publicitaires ; antiquités ; appareils photo ; photos anciennes ; autobus ; autocollants ; autos et accessoires ; autos miniatures ; baïonnettes ; bandes dessinées ; Beanie Baby ; Bénédictine (objets, pub) ; bière ; bière (boîtes de) ; bière (pubs anciennes) ; verres à bière ; bière (objets) ; bière trappiste (objets) ; billets de banque ; bistrot (objets) ; bouteilles sérigraphiées ; cabinets de curiosités ; capsules ; cartes postales kitsch ; cartes postales anciennes ; cpa village ; magic cards ; cartes de visite ; cendriers ; chocolat (emballages de) ; chromos ; cloches ; Coca-cola ; coquillages ; couteaux ; 2 CV (photos de) ; drapeaux ; eau minérale ; eau Évian ; écussons ; emballages de sucres ; engins miniatures ; enveloppes mairies ; étiquettes d’eau ; étiquettes de fromage ; étiquettes de fruits et légumes ; étiquettes de vin ; euros ; Évian (objets) ; faïence ; fèves ; figurines ; flammes postales ; fontaines ; foot (objets) ; golf (documents) ; horloges en faïence ; horloges et pendules ; horloges ; hoyas ; images Panini ; Imperia (bd petit format) ; insignes ; jouets vintage ; journaux ; journaux, vieux papiers ; Kinder Surprise ; lampes de mine ; marques postales ; maths (timbres, machines à calculer) ; machines à calculer ; médailles-souvenir ; médailles ; mignonnettes ou mini-bouteilles ; mignonnettes de céramique ; militaria ; minéraux, fossiles, pierres ; minéraux ; monnaies ; monnaies gauloises ; montres ; motos anciennes ;, motos (objets) ; multi-objets ; œufs en pierre dure ; opium (vieux papiers) ; orchidées ; ours en peluche ; ours ; papiers (vieux) ; papillons ; paquets de cigarettes ; parfums ; parfums (miniatures) ; pastis (objets) ; peinture ; phonos ; pin’s ; pin’s Rolland [sic] Garros ; plaques émaillées publicitaires ; poilus (objets de) ; porte-clés ; postes TSF ; poupées ; radio ; Renoleau ; réveils Jaz ; sables ; Saint-Pierre et Miquelon ; scripophilie ; Sepultura (CD) ; sous-bock ; sucre ; Suze (objets) ; tabac (objets) ; tabatières ; Talleyrand (documents) ; tarots ; télécartes ; téléphones ; téléphones anciens ; tickets à gratter ; tickets de foot ; timbres (cinéma) ; timbres (Bretagne) ; timbres (marine) ; timbres ; Tintin ; vêtements anciens ; vinyls ; voitures (catalogues) ; voitures (Jeep) ; voitures (Volkswagen) ; whisky »,
et avec 182 autres, qualifiées d’insolites : « absinthe (cuillères) ; accordéon (objets sur) ; ânes ; Antar ; artefacts magiques ; autoradios ; baigneurs ; balles de golf ; Banania (objets) ; Bécassine ; bêtises ; Betty Boop ; beurriers ; biberons ; bois durci ; boîtes d’aiguilles pour phonographes ; boîtes d’allumettes ; boîtes à bonbons ; boîtes à lunch ; boîtes aux lettres (photos) ; boîtes en fer ; boîtes anciennes de médicaments ; boîtes de savon à barbe ; bouchons ; bouillottes ; boules à neige ; boules à thé ; boutons ; burettes ; buvards ; cactus ; canettes de boissons gazeuses ; cartes postales kitsch ; casse-tête ; cartes Astérix ; cartes de mediums ; cartes Michelin anciennes ; cartes QSL ; cartes routières ; céramiques ; champignons (objets) ; chats ; chaufferettes ; chouettes ; petites clés ; cloches ; cochons ; cochons (petits) ; Cognac ; coiffes ; coiffure (objets) ; constateurs ; convertisseurs euro ; coqs (pins) ; coquetiers ; cornemuses (brols) ; couteaux à champignon ; Opinel ; croix de chemin et petits calvaires ; cuillères ; cure-dents ; dédicaces ; dés à coudre ; détendeurs de plongée ; diables ; école (objets de) ; écussons ; éléphants ; enclumes ; encriers anciens ; engins miniatures ; escargots ; essences de bois ; étiquettes (chats) ; faire-part ; flippers ; forces ; fuschias [sic] ; gériatrie (objets), gonviers ; grattages ; hamburgers ; hérissons ; images de chocolat ; jetables (appareils photo) ; Je t’aime ; jetons de caddie ; jeux de foot ; jokers ; jouets anciens ; jouets ; jouets à pédale ; kits Internet ; lampes à souder ; lanternes ; loup ; machines à vapeur ; maillots cyclistes ; malabars ; malles ; matériel informatique ; mélangeurs à cocktail ; Menier (objets) ; menus ; métiers anciens ; mouchoirs ; moules en terre ; moulins ; moulins à café ; nids de guêpes ; nœuds ; œufs ; olympisme (objets) ; opalines de foire ; outils anciens ; ouvre-boîtes ; panneaux de cols ; parapluies ; Pastis51, pêche (objets) ; peignes anciens ; perles ; pichets ; Picon (objets) ; photos d’ânes ; photos de chiffres ; photos d’enfants avec jouets ; photos de jouets ; photos de mariage ; plumes ; pommes ; prière (objets de) ; pubs anciennes sur la bière ; pubs anciennes de lingerie ; publicités peintes ; puériculture ; puzzles ; objets Quick ; Renoleau (céramique) ; sacs plastique publicitaires ; serviettes en papier ; Shadoks (tout sur) ; signalisation routière ; singes (trois) ; Statue de la Liberté ; statuettes en régule ; stylos à image mobile ; taille-crayons ; tasses à café ; taquins ; téléphones anciens ; tire-bouchons ; tracteurs ; tortues ; toupies ; vaches ; Vallauris ; verres à liqueur ; wakouwas ».

Vertige de la liste, comme dit Umberto Eco[9] !

Bric-à-brac

L’exposition de Mathey donne le sentiment d’un « bric-à-brac » délibéré. Selon les linguistes, ce mot remonterait à 1829. Balzac y met des majuscules et s’en sert en 1846 pour désigner la collection du Cousin Pons ; il ne porte pas en estime la collectionnite et parle aussi de « Bricabraquologie ». Plus tard dans le siècle, Edmond de Goncourt[10] fera le catalogue de sa propre « bricabracomanie ».

La collection que ce dernier avait constituée avec son frère remettait au goût du jour le XVIIIe siècle, et c’est précisément dans ce siècle qu’il faut chercher la naissance de la collectionnite moderne. Maurice Rheims cite à ce sujet le catalogue de la dispersion en 1781 du cabinet de curiosités du duc de Lorraine : « Dans ces 577 pages, on relève des collections d’échantillons de terre, sable, argile, terres grasses, terres maigres, terre à labour ; des collections de pierres de toutes espèces et de tous pays, de sels de charbon, de métaux extraits de mines, de pétrifications “arrangées dans 141 tiroirs”, de coquillages univalves et multivalves, de bois agotifiés [sic], de papillons, d’animaux conservés dans l’esprit de vin, de centaines de serpents, de poissons, d’oiseaux empaillés, de curiosités artificielles. Notons encore un chapeau d’amadou de chêne, les “nippes d’un chef des sauvages de l’Amérique”, une “botte de cheveux servant de fil à coudre”, et des centaines d’instruments des artisans du monde entier.
On trouve, mêlé à tout cela, le meuble à coudre de l’Infante Isabelle et son rouet, les portraits-médailles des princes et princesses de Lorraine, “en souffre” ; une collection de perles baroques montées en or ; une cruche d’ivoire ciselée et exécutée d’après un dessin de Rubens ; une pyramide tournée à jour et surmontée d’un œil ; une montre d’or faite par Pierre Bourget de Lyon ; une sphère surmontée d’un petit cupidon, les garnitures en or et vermeil. Suit une liste d’objets en cristaux de roche montés en or et émail et, au milieu d’une collection de bagues, on trouve sous le n° 402 la description d’un “bureau garni de pierres antiques gravées et camées et autres pierres précieuses” […] le n° 403 qui suit est un couteau pliant. Le n° 443 un carillon chinois très harmonieux et le catalogue s’achève sur la description de 130 bronzes antiques dont quelques uns paraissent remarquables[11]. »

Pour les Goncourt, le bric-à-brac n’est plus dans les naturalia. La focale s’oriente sur les petits objets manufacturés. Si l’on veut prendre la mesure de ce goût dix-huitièmiste, on parcourra la remarquable collection d’objets de vertu – tabatières, boîtes à mouche, nécessaires de bal – richement ornés d’émaux et de miniatures, laissée par Ernest Cognac[12]. Cet hymne à l’objet précieux a été exposé de 1925 à 1927, dans les salons de la Samaritaine de luxe, boulevard des Capucines, comme si le Grand Magasin indiquait par là l’origine de l’épiphanie de l’objet moderne, au cœur de son activité marchande.

Petits musées

Les Trente Glorieuses virent les petits musées fleurir un peu partout en France. Je me souviens d’Édouard Pommier, en charge à partir de 1983 des musées classés et contrôlés, se plaignant d’être submergé par les demandes d’aides qui en émanaient. Derrière chaque projet, souvent : un collectionneur. La mode muséologisante rurale remonte sans doute à l’immédiat après-guerre : Alexandre Vialatte s’en moquait dès 1949, dans une chronique consacrée au musée des demoiselles Comte à Marsac, qui avaient légué à leur mort leur mobilier mis sous vitrine – ce qui faisait un « très joli musée “du mobilier de son voisin” ou de “fille d’armurier auvergnat du XXe siècle” ». « On avait des musées de tout : de médailles, de sculpture, de l’homme, du chapeau mou en fer forgé, du tableau en boutons de culotte, des musées de père mort, de crapauds, de vipères, d’os de vaches et de maréchaux en timbre-poste. Il ne manquait qu’un musée d’objets qui ne fussent pas des objets de musée, le musée de l’Objet quelconque[13]. »

Beaucoup de ces petits musées sont nés d’aventures privées et ne sont devenus publics qu’ensuite. Pour le pire ou le meilleur, certains ont réussi a laisser leur nom – parfois par l’entremise de leurs descendants. Les rêves de survie d’artistes collectionneurs de leurs propres œuvres, parfois malgré eux, se mêlent à une liste hexagonale bien fournie, où nombre de noms ne nous disent plus rien : André Abbal (Carbonne), Léon Alègre (Bagnols-sur-Cèze), Jean-Baptiste d’Allard (Montbrison), Richard Anacréon (Granville), Paul Arbaud (Aix-en-Provence), Jean Arp (Clamart), Xavier Atger (Montpellier), Marius Audin (Beaujeu), Henri Barré (Thouars), Paul Belmondo (Boulogne-Billancourt), Pierre-André Benoit (Alès), Léon Bonnat (Bayonne), Alfred Bonnot (Chelles), Henri Bouchard (Paris), Alfred Boucher (Nogent), Jacques Boucher de Perthes (Abbeville), Jacques Bouillault (La Flèche), Antoine Bourdelle (Paris), Yves Brayer (Cordes), Olivier Brice (Viols-en-Laval), Antoine Brun (Sainte-Consorce), Charles de Bruyères (Remiremont), Marguerite Cabrol (Grignan), Urbain Cabrol (Villefranche-de-Rouergue), Théodore Calbet (Grisolles), Esprit Calvet (Avignon), les De Camondo (Paris), Norbert Casteret (Fontaine-de-Vaucluse), Henri Cernuschi (Paris), Marc Chagall (Nice), Henri Chapu (Le Mée-sur-Seine), Louis Charbonneau-Lassay (Loudun), Victor Charreton (Bourgoin), Émile Chénon (Châteaumeillant), Jacques Chirac (Sarran), Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ (Saint-Martin-de-Ré et Paris), Jean Cocteau (Menton), Louise Cottin (Vigneulles-lès-Hattonchâtel), Alfred Danicourt (Péronne), Pierre-Jean David d’Angers (Angers), René Davoine (Charolles), Jean Déchelette (Roanne), Joseph Denais (Beaufort-en-Vallée), Fernand Desmoulin (Brantôme), François et Souza Desnoyer (Saint-Cyprien), Christian Dior (Granville), Henri Dobler (Aix-en-Provence), Thomas Dobrée (Nantes), Alfred Douët (Saint-Flour), Robert Dubois-Corneau (Brunoy), Adrien Dubouché (Limoges), André Dunoyer de Segonzac (Boussy-Saint-Antoine), Paul Dupuy (Toulouse), Guillaume Dupuytren (Paris), Clémence d’Ennery (Paris), Béatrice Éphrussi de Rothschild (Saint-Jean-Cap-Ferrat), Maurice Estève (Bourges), François-Xavier Fabre (Montpellier), Jean-Henri Fabre (Sérignan-du-Comtat), Eugène Farcot (Sainville), Anne et Jean Farkas (Baden), Jean Faure (Aix-les-Bains), Joseph Fesch (Ajaccio), Maurice Fenaille (Rodez), Consuelo Fould (Courbevoie), Louis Français (Plombières-les-Bains), Charles Friry (Remiremont), Jules Garinet (Châlons-sur-Marne), Géo-Charles (Échirolles), Henri-Alexandre Gérard (Bayeux), Henri Goetz et Christine Boumeester (Villefranche-sur-Mer), François-Marius Granet (Aix-en-Provence), Auguste Grasset (Varzy), Marie Labadié (Marseille), Pierre-François Guillon (Romanèche-Thorins), Émile Guimet (Lyon et Paris), Ernest Hébert (Paris), Jean-Jacques Henner (Paris), Thomas Henry (Cherbourg), Nélie Jacquemart (Paris et Fontaine-Chaalis), Anatole Jakovsky (Nice), Maurice Jardot (Belefort), Louis Jou (les Baux-de-Provence), François-Honoré Jourdain (Morez), Louis Jourdan (Saint-Paul-de-Varax), Georges Labit (Toulouse), Paul Landowski (Boulogne-Billancourt), Emmanuel Lansyer (Loches), Charles Léandre (Domfront), Paul Leblanc-Duvernoy (Auxerre), Henri Lecoq (Clermont-Ferrand), Antoine Lécuyer (Saint-Quentin), Arthur Le Duc (Torigni-sur-Vire), Fernand Léger (Lisores et Biot), Amédée Lemozi (Cabrerets), Jean-Louis-Henri Le Secq Destournelles (Rouen), Pierre et Denise Lévy (Troyes), Louis Leygue (Naveil), Jules-François Lombart (Doullens), Marguerite et Aimé Maeght (Saint-Paul-de-Vence), Alberto Magnelli (Vallauris), Jeanne et Maurice Magnin (Dijon), Lucien Mainssieux (Voiron), Henri Malartre à Rochetaillée-sur-Saône, Léon Marès (Lovagny), Paul Marmottan (Paris), Frédéric Masson (Paris), Henri Matisse (Nice), Georges Mazoyer (Ansouis), Mathurin Méheut (Lamballe), Jeanne Messager (Caen), Abel Mestreau (Saintes), Frédéric Mistral (Maillane), François Mitterrand (Jarnac et Château-Chinon), Claude Monet (Giverny), Noël Morard (Caromb), Gustave Moreau (Paris), Mathieu Orfila (Paris), Charles Oulmont (Saint-Cloud), Maurice Perrin de Puycousin (Tournus et Dijon), Jean Peské (Collioure), Marie Petiet (Limoux), Pablo Picasso (Paris et Antibes), Raymond Pillon (Chaumont-en-Vexin), Denys Puech (Rodez), Benoît de Puydt (Bailleul), Joseph Puig (Perpignan), Maurice Ravel (Montfort-l’Amaury), Paul Rebeyrolle (Eymoutiers), Esprit Requien (Avignon), Auguste Rodin (Paris et Meudon), Bernard Rosenblum (Montaigu-de-Quercy), Marcel Sahut (Volvic), les frères Schlumberger (Crèvecœur-en-Auge), les frères Schlumpf (Mulhouse), Pierre Soulages (Rodez), Robert Tatin (Cossé-le-Vivien), Alice Taverne (Ambierle), Camille Tavet (Pontoise), Louis Terrasse (Viverols), Philadelphe Thomas (Gaillac), Henri de Toulouse-Lautrec (Albi), Georges Turpin (Parthenay), Tomy Ungerer (Strasbourg), Victor Vasarely (Aix-en-Provence et Gordes), Joseph Vaylet (Espalion), Emmanuel de la Villéon (Fougères), Antoine Vivenel (Compiègne), Antoniucci Volti (Villefranche-sur-Mer), Louis Vouland (Avignon), André Voulgre (Mussidan), Paul Westercamp (Wissembourg), Ossip Zadkine (Paris), Yvonne et Christian Zervos (Vezelay[14]).

La maison d’un artiste

À ce bûcher des vanités, on ne manque pas de fondateurs qui souhaitent que leur collection reste dans son jus, dans sa maison d’origine ; comme si la collection était inséparable de son domicile, comme si c’était ce dernier qui lui donnait pleinement sens. Parmi ces fondateurs, les artistes ne sont pas en reste, le cas étant rare que l’on conserve leur demeure en dépit d’une volonté contraire, comme à Rochefort pour la maison de Pierre Loti[15].

Avec son titre, La Maison d’un artiste, l’ouvrage d’Edmond de Goncourt ne séparait pas le contenu de sa collection du lieu où elle était conservée et présentée. C’était autant cette maison, cet art d’habiter en collectionnant, qui faisait art que la collection en tant que telle.

Il est des collections remarquables par le volume d’objets ou de documents réunis sur un seul sujet, en un seul genre ou sur un seul thème particulier. Bien qu’ils n’aient pas inventé l’angle de vue en question, l’obstination de leurs auteurs les place au-dessus du lot.

Pascal Sergent, ancien coureur amateur, auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur le cyclisme, dont une somme sur Paris-Roubaix[16], a réuni sur cette course quelque 300 000 objets parmi lesquels plus de 1 000 maillots portés, avec leur boue d’origine[17]. La collection a envahi sa maison.

Le designer Alexander Girard fut le scénographe de plusieurs expositions où il montra ses propres collections d’art populaire. En 1962, ce fut The Nativity[18], avec 170 crèches ; en 1968, The Magic of a People[19], avec plus de 10 000 objets. Installé à Santa Fe en 1953, il s’intéresse à l’art textile des Indiens du sud-ouest américain, intérêt qu’il partage avec Frank Lloyd Wright, Giorgia O’Keeffe et les Eames, ses voisins, qui y voient une source renouvelée pour l’art et le design contemporain. À la fin des années 1960, sa collection compte quelque 90 000 jouets et 17 000 autres objets. Si The Nativity est montrée ensuite au Museum of International Folk Art, créé depuis peu par Florence Dibell Bartlett, à Santa Fe, c’est dans sa propre maison que Girard met en scène sa collection pour vivre au milieu[20]. La collection échouera tout de même au musée de Santa Fe[21].

En ouverture du petit catalogue[22] de son exposition à l’ARC, en 1974, Annette Messager dressait un plan de son appartement « assez petit et encombré ». Elle situait son activité de collectionneuse dans sa chambre, en opposition aux « travaux de l’atelier » produits dans une autre pièce. Les collections […], écrivait elle alors, se répondent entre elles, se modifient souvent, se contredisent parfois – ni achevées, ni définitives elles sont pour moi la meilleure préservation possible et semblent se prendre pour ma propre vie. » Un appartement qui rejoignait de la sorte la fiction de l’artiste.

Il existe aussi des généralistes de la collection. Gérard Collin-Thiébaut, à partir de la vingtaine, se mit à « collecter tout indice susceptible de [lui] faire comprendre [le monde] ». À l’occasion de l’exposition Voilà. Le monde dans la tête[23], au Musée d’art moderne de la ville de Paris, il publia la liste de ce qu’il appelle ses « Oisivetés » (dont il n’exposa qu’une petite partie) : plus de 1 000 photographies, des films vidéo, 480 cassettes audio et 450 cassettes vidéo, 5 agendas comptables, plus de 5 000 livres, des guides, bulletins et dépliants touristiques non dénombrés, 7 628 cartes postales, 500 photographies et des documents relatifs à la vie de personnes inconnues, 637 bagues de cigares, 16 boîtes alimentaires, 63 boîtes de sardines, 211 pochettes d’allumettes, plus de 1 000 boutons, 285 buvards, des cartes de visite non dénombrées, 282 cartes à puce, des cartons d’emballages, 14 cendriers, 97 clés, des emballages de toute nature non dénombrés, des décorations de pâtisserie (60 fèves, 17 couronnes, 23 jouets Kinder), 64 étiquettes de vêtement, 1 267 images pieuses, 138 albums d’images pour enfants, plus de 100 opercules de crème, 30 pères Noël, 23 porte-plume, plus de 2 000 sacs plastique, 291 savonnettes, 991 sucres enveloppés, 268 tampons encreurs. En 1990, il installa ses collections dans un ancien prieuré des Capucins de la vallée de la Loue, non loin d’Ornans, et rêva d’en faire un « centre de recherche artistique européen[24] », une « œuvre d’art totale ». C’était aussi, à tout prendre, une autre version de La Maison d’un artiste. En 2006, il s’approprie de façon imaginaire une partie de la collection du Frac de Franche-Comté en simulant sa présence, par des montages photographiques, dans les différentes pièces de sa demeure[25]. Les collections ont gonflé depuis ; une visite récente me fait ajouter : des ex-voto en cire et en métal, des appareils de projection, des pins, un stock de puzzles, des moules à gâteau en étain, des soldats de plomb, des boucles de ceinture, des rubans de machine à écrire, des cadres (démontés) ayant servi à encadrer des œuvres de Yo Sermayer, la fille de Marcel Duchamp, des tiroirs, des moules à pâtisserie en terre, et encore je n’ai pas tout vu !

La « maison » du collectionneur

Des collectionneurs d’art ont pu être remarqués par le lieu et la façon dont ils ont présenté leur collection. Certaines vues de ces collections sont devenues des clichés de l’histoire de l’art : la galerie de tableaux de l’archiduc Léopold, à Bruxelles ; la maison-musée de Sir John Soane au 13 Lincoln’s Inn Fields, à Londres ; le salon de Gertrude et Leo Stein, 27 rue de Fleurus à Paris ; la collection du Dr Albert Barnes, à Merion, avec ses trois niveaux d’accrochage – petits tableaux au-dessus des grands tableaux et ferronneries tout en haut – au-dessus des meubles alignés le long des murs ; celle de Peggy Guggenheim, Art of this Century, avec ses deux parties, abstraite et surréaliste, scénographiées et meublées par Frederick Kiesler ; les photos de Sabine Weiss du « mur » d’André Breton[26]

La lecture de Collection, de Gérard Wajcman[27], a incité Antoine de Galbert à imaginer avec ce dernier l’exposition inaugurale de sa fondation, à la Maison Rouge, à Paris, en 2004[28]. Une quinzaine de boxs contenaient chacun la reconstitution ou l’évocation d’une pièce de l’appartement d’un des 16 collectionneurs invités : soit 1 entrée, 1 salon, 1 bureau, 2 salles à manger, 1 vestibule, 1 réserve, 4 toilettes, 1 grenier, 1 escalier, 1 salle de bain et 1 chambre. Une collection de lieux entre reconstitutions fidèles et évocations, des lieux homogénéisés par les plaques de bois aggloméré de l’envers des murs. Selon le commissaire, chaque collection valait comme autant d’autoportrait de son collectionneur, qui n’était désigné que par une lettre de A à P.

Herman et Nicole Daled, qui avaient rassemblé à partir de 1966, avenue Messidor à Bruxelles, une collection pionnière d’artistes dits conceptuels, se séparent en 1977. Le premier s’installe alors dans l’hôtel Wolfers à Ixelles, œuvre de Henry Van de Velde. Celui-ci n’est pas restauré et la collection n’en intégre pas les murs dont la peinture part en lambeaux. Une citation de l’architecte Louis Kahn sur un mur du salon justifie ce parti pris : « Quand le temps passe, et que cela devient une ruine, l’esprit de sa création ressurgit. » Les Daled constituèrent aussi des archives, reflet de leur proximité initiale avec Marcel Broodthaers et de leur engagement auprès des artistes dont ils ont « collecté » les œuvres[29]. Herman Daled invité à la Maison Rouge pour l’exposition précédemment citée, fit visiter l’hôtel Wolfers vide aux organisateurs et sa collection figura dans l’exposition sous forme de la seule liste des artistes collectionnés. Trois ans plus tard, Dora Garcia a filmé cet intérieur étrangement vide d’œuvres d’art[30].

Initiée en 1973, la collection d’Annick et Anton Herbert[31] fut installée après 1982, en même temps que leur domicile, dans un ancien site industriel, Raas van Gaverestraat, à Gand. Sa visite ne donnait guère l’impression de parcourir un lieu privé. Rien ne traînait dans la cuisine, avec piano et hotte centrale, ni dans la chambre à coucher où ne se voyaient ni vêtements ni livres. Du reste, les œuvres, souvent de grandes installations minimales ou d’Arte Povera, n’avaient pas été acquises en vue d’un usage domestique. La liste des artistes de la collection où aucun nom n’est inconnu a un effet d’affichage certain. Elle a évolué vers une fondation qui s’est installée en 2013 dans le quartier du canal de la Coupure, à Gand, dans un ancien atelier de construction de machines à vapeur, mieux adapté à l’échelle de certaines œuvres.

La Cranford collection de Londres s’est constituée à partir de 1999, en rapport avec la nouvelle scène anglaise. Six accrochages différents se sont succédés de 2005 à 2016, chaque épisode donnant lieu à un catalogue montrant les œuvres dans un environnement domestique. Tous se sont déroulés dans une élégante maison Regency due à John Nash, propriété de Muriel et Freddy Salem, dont tout laisse à penser qu’ils sont les collectionneurs en question. Nulle explication n’est donnée quant à la dénomination de la collection empruntée à la ville de fiction imaginée en 1851 par la romancière Elizabeth Gaskell, ni quant à l’étrange schizophrénie de son site Internet où l’on peut lire que « In 2005, Cranford Collection began mounting a series of installations in a domestic context ».

La quasi totalité des œuvres de la collection de Françoise et Jean-Philippe Billarant n’a jamais pris place dans leur appartement parisien. Sa « destination publique » s’est vue vérifiée par l’ouverture en 2011 du Silo à Marines, un lieu qui ressemble à un centre d’art contemporain, mais n’a ni gardien, ni curator, ni gentil animateur : preuve de leur engagement, ce sont les collectionneurs eux-mêmes qui assurent la visite sur rendez-vous, une fois par mois environ. Comme ont pu le faire les Daled ou les Herbert, qu’ils avouent volontiers tenir pour des modèles, ils entretiennent des relations directes, suivies et amicales avec chaque artiste collectionné et se déplacent pour voir la plupart de leurs expositions. La présentation du Silo change tous les deux ans ; quatre épisodes ont déjà eu lieu, dont rend compte chaque fois un album de photographies qui ne comporte aucun texte.

Avoir et Être

La majorité des pièces de la maison de Louis Métraille était destinée à la présentation de ses collections. Des difficultés financières la firent mettre en viager ; il n’en occupa plus que trois pièces. « L’espace qu’il conserva était littéralement envahi d’objets et il vivait au milieu de cette caverne d’Ali Baba. Les visiteurs étaient priés de prendre garde à chaque objet et les déplacements étaient calculés au centimètre près[32]. » Il collectionnait les affiches, les gravures ; les photographies, les cartes postales, les vues stéréoscopiques, mais aussi les armes et les costumes militaires. Excentrique, il faisait du patin à roulette et se déplaçait surtout à bicyclette, moyen de locomotion dont il possédait également une importante collection. Il se mettait en scène en se photographiant, déguisé. Non seulement il habitait dans sa collection, mais il usait continûment de ce qu’il collectionnait.

Être et Avoir fut le titre joliment tourné pour réunir en quatre temps une série de huit collections d’enseignants ou de personnes liées à l’École des beaux-arts de Nîmes. On eut ainsi du 6 novembre au 19 décembre 2014, celle d’Audrey James et celle de Jean-Marc Scanreigh, du 30 avril au 29 mai 2015, celle de Hubert Duprat et celle de Natacha Pugnet et Fabien Faure, du 18 novembre au 14 décembre 2016, celle d’Arnaud Vasseux et celle d’Élisabeth Klimoff et Yann Granjon, du 6 au 26 octobre 2017, celle de Jean-Marc Cerino et celle de Brigitte Bauer. On peut considérer le présent article comme constituant la neuvième collection de la série, une collection de collections : celle virtuelle des collections évoquées par le texte, et celle très concrète des ouvrages rassemblés pour sa rédaction (dont certains sont cités en note). L’avoir révèle-t-il l’être ? À Nîmes comme à la Maison Rouge, les portraits de collectionneurs qui émanent de l’exposition sont tous des « récits autorisés » ; la collection exposée n’est jamais qu’une mise en scène de son auteur-propriétaire.

Heimat

Des musées du terroir émergent des figures tout à fait attachantes, telle celle d’Albert Demard, ce garde-champêtre autodidacte, ancien garçon vacher, dont les récoltes ont permis d’ouvrir en 1957 les premières salles du musée de Champlitte[33], enrichies ensuite. Ou encore, en Italie, celle d’Ettore Guatelli, ancien instituteur dont le musée du quotidien, à Ozzano Taro, conserve quelque 60 000 objets tapissant, pour certains, les murs et sous-pentes du grenier.

Il est des personnalités connues du milieu de l’art contemporain dont les collections dénotent un enracinement peu commun dans le contexte de la table rase moderniste ou dans celui de la déterritorialisation postmoderne.

Les pages en allemand, français ou anglais consacrées par Wikipédia au grand galeriste zurichois Bruno Bischofberger ne disent rien de sa collection d’art populaire de l’Appenzell et du Toggenburg. Elle est pourtant considérable et a peu de rapport avec les artistes qu’il a soutenus : pop, Nouveau Réalisme, minimalisme, Transavanguardia, etc. Le premier livre qu’il lui a consacré est sous-titré « Meiner Heimat Appenzell[34] ».

En 1979, Claude Viallat devient président du club taurin d’Aubais, son village natal, en même temps que directeur de l’École des beaux-arts de Nîmes. Dans la foulée, il implique cette dernière dans deux expositions sur la Civilisation du taureau[35]. La plupart des œuvres et documents sont empruntés à des collections publiques et privées de la région nîmoise, mais certains proviennent déjà de la collection Henriette et Claude Viallat qui, depuis, s’est considérablement accrue[36]. Elle compte aujourd’hui environ 17 000 pièces. « Tous les supports lui sont bons : gravures, BD, publicités, objets souvenirs, cartes postales, boîtes d’allumettes, bagues de cigares, affiches de cinéma, assiettes peintes, partitions de musique, jeux, emballages, poupées, etc[37]. » Une partie a été déposée au Musée des cultures taurines[38] qui, en 2017, a pris le nom des collectionneurs.

Masumiyet Müzesi est un roman d’Orhan Pamuk publié en 2008[39]. Le Masumiyet Müzesi, en tant que musée réel, a ouvert ses portes en 2012, dans une bâtisse du quartier de Çukurcuma à Beyoğlu, rive européenne d’Istanbul[40]. La structure narrative du roman et de ses 83 chapitres l’organise. Un millier d’objets collectionnés depuis le début des années 1990, disposés dans des vitrines, évoquent l’histoire de l’amour de Kemal pour Füsun, à travers des témoins du vieil Istanbul du temps de « l’innocence » de son héros kleptomane (qui les aurait lui-même collectionnés). Pamuk défend l’idée de musées qui se détourneraient de la grande histoire et laisseraient place aux histoires individuelles. Entre le musée fictif du roman et le musée réel commenté dans un catalogue par son auteur, il maintient la balance en équilibre, tout en se défendant de toute autobiographie.

Syllogomanie

Les entreprises délibérées d’originaux ou d’artistes collectionneurs peuvent aussi être perçues d’un point de vue psycho-pathologique, comme des symptômes de syllogomanie (du grec σύλλογος « rassemblement »), une maladie qui se caractériserait entre autres par l’accumulation d’objets inutiles et sans valeur, le besoin de les conserver, l’impossibilité d’effectuer un tri, l’absence de maladie mentale détectée, la souffrance liée à l’éventuelle séparation de ces objets, l’invasion de l’espace de vie par ces objets.

L’obsession d’Antoinette Chatel se portait sur les boîtes et les emballages ainsi que sur d’autres matériaux « utiles ». Après sa mort, à plus de cent ans, on découvrit dans un intérieur plutôt bien tenu des placards emplis d’objets empilés, rangés dans des boîtes, emballés dans des sacs, soigneusement attachés par des ficelles (des arcades de métier Jacquard, stockées elles aussi de longue date[41]). Il y avait là des collections d’élastiques, de ficelles, de morceaux de cuir (conservés depuis son passage dans une usine de chaussures), de médicaments usagés, des stocks de torchons et de serpillières, mais aussi des piles ou des rouleaux ficelés de toiles cirées, de sacs plastique ou papier pliés, eux-mêmes enfermés dans des boîtes, enserrés dans des tubes ou entassés sous des piles de serviettes-éponges et de vêtements pliés. Des paquets de paquets, des sacs de sacs, des boîtes de boîtes. Tout un art du stockage digne de figurer dans la Collection de l’Art Brut. Les dernières années de sa vie, je lui avais souvent rendu visite. Je compris après coup pourquoi elle se mettait en colère lorsque, voulant nettoyer sa cuisine, je jetais les sacs plastique qui y traînaient. Elle avait alors une répartie imparable : « Ça peut toujours servir ! » On peut relativiser le diagnostique médical. Après tout l’universitaire érudit qui accumule chez lui des tonnes de livres et documents pense aussi que ça peut toujours servir – si ce n’est à lui, à quelque hypothétique disciple !

Accumulations secrètes

Les écrits et les dessins d’Aloïse, commencés vers 1920, restèrent ignorés jusqu’en 1936, et la plupart furent détruits[42]. On a retrouvé après le décès de Laure Pigeon cinq cents dessins médiumniques, classés et datés. Elle ne les avait montré qu’à une seule personne[43]. Certaines productions de malades mentaux internés ne furent sauvées que par l’attention des médecins qui les collectionnèrent. La première collection célèbre de ce genre fut celle du docteur Hans Prinzhorn, à Heidelberg. Constituée rapidement en 1919 et 1920, elle contribua à accréditer l’existence d’un « art des fous », bien qu’il n’utilisât pas cette expression[44]. Une invention voisine revient à Jean Dubuffet avec sa Collection de l’Art Brut, expression forgée pour l’occasion et qui, elle, resta. Il est des accumulations qui demeurent secrètes. « Il semble, dit Michel Thévoz, que les auteurs aient justement voulu nous garantir contre toute volonté de communication. Il faut envisager l’art brut comme une pratique ou comme une production dans laquelle ne se pose jamais la question d’un quelconque message[45]. »

À la fin de sa vie, Vivian Maier, hospitalisée, stocka ses affaires dans un garde-meuble qu’elle omit de payer. Ce fut le début, à la faveur de la liquidation aux enchères de son contenu, de la découverte de toute une œuvre photographique qu’elle n’avait guère tenté d’exposer : en tout quelque 120 000 négatifs de street photography dont seule une très faible partie avait été tirée sur papier[46]. John Maloof a entrepris de rassembler ce qui avait été dispersé. Lorsqu’on découvrait miraculeusement le corps d’un saint enterré trois ou quatre cents ans auparavant, et dont on avait perdu la trace, on parlait de l’inventio de la relique, mot qui, pour tout mécréant, sonne comme un merveilleux lapsus ! Maloof prend semblablement la pose d’un inventeur de reliques, celles de Vivian Maier. La collection est le garant de cette prétention, mais l’accumulation autographe qui l’a précédée fait de Vivian Maier le cas unique d’une photographe de talent qui s’est dispensée de montrer son œuvre ; elle signe ce qui pourrait passer pour une attitude d’artiste.

L’ancien capitaine d’aviation Alexander Kennedy Miller et sa femme Imogene, retirés dans le Vermont, finirent par passer pour pauvres aux yeux des voisins, jusqu’à susciter leur charité. Miller était connu et respecté du monde des collectionneurs de voitures, mais l’on pensait qu’il n’avait qu’une ou deux Stutz. À leur mort, sans héritiers, l’Internal Revenue Service se déplaça pour évaluer les biens. On trouva une cinquantaine de voitures de collection : une trentaine de Stutz (Bearcat, Superbearcat, Blackhawk DV16’s and 32’s, Buldog…), une Stanley Steamer, une Rolls-Royce Silver Ghost, trois Franklin, une Henderson, une Volkswagen Karmann Ghia et plusieurs Beetle. Un million de dollars en lingots d’or étaient cachés sous une pile de bois. Des actions pour environ neuf cent mille dollars et soixante-quinze mille dollars en lingots d’argent furent également découverts dans des hangars ou des granges délabrées[47].

Kleptomanie

Les kleptomanes (du grec κλέπτης, voleur ou dissimulateur) accumulent aussi en secret. De janvier 1959 à mai 1962, date à laquelle ils furent arrêtés et condamnés à six mois de prison, le romancier Joe Orton et son amant Kenneth Halliwell s’amusèrent à remplacer les jaquettes de certains livres de bibliothèques publiques par des collages de leur cru, avec de nouvelles images ou des annotations humoristiques et provocantes. (Quarante-et-une de ces jaquettes sont conservées désormais au Local History Center du district d’Islington, à Londres.) La police découvrit à leur domicile du 25 Noel Road un mur d’images réalisé avec des images prélevées dans quelque soixante-dix livres dégradés[48].

Au salon du livre de Colmar, en 2006, Stéphane Breitwieser, tout sourire, signait ses Confessions d’un voleur d’art[49]. Entre 1995 et novembre 2001, date de son arrestation à Lucerne, il avait pillé musées, châteaux, résidences particulières et salles des ventes de sept pays différents, y dérobant quelque 240 peintures, dessins et objets d’art pour une valeur d’environ 15 millions d’euros. Après son arrestation, sa mère paniquée avait jeté dans un canal une centaine d’œuvres conservées dans sa chambre. Il plaida la passion du collectionneur. N’avait-il pas fait des recherches en bibliothèques pour rédiger des fiches sur les œuvres de sa collection ? Autodidacte, n’en remontrait-il pas aux experts ? Le psychiatre du procès suisse refusa de le tenir pour kleptomane[50]. Quant à Breitwieser, il prévint qu’en cas de condamnation il récidiverait – ce qu’il fit[51] ! Pour l’exposition L’Intime : le collectionneur derrière la porte, évoquée plus haut, Anne Portugal et Gérard Wajcman ont réalisé un film sur Breitwieser.

Un autre Alsacien, Stanislas Gosse, enseigne de vaisseau, professeur agrégé de mécanique a dérobé quelque 1 100 manuscrits et incunables au monastère de Sainte-Odile. Il avait fini par découvrir dans une revue d’histoire locale l’existence d’un passage secret conduisant au fond d’une armoire de la bibliothèque. Après chaque larcin, les livres prenaient le chemin de son appartement d’Illkirch-Graffenstaden, dans la banlieue de Strasbourg, où il pouvait en jouir à son aise. Sur l’ex-libris de chaque livre – Ex libris bibliothecae montis sanctae Odiliae in Alsatia –, il avait collé une étiquette à son nom. Latiniste, il passait ses soirées à décrypter les ouvrages, considérant qu’ils étaient mieux gardés chez lui qu’au monastère[52].

Diogène

Les personnes atteintes du syndrome de Diogène ajoutent à la syllogomanie l’absence d’hygiène et le retrait social. Hoarders[53] est une émission de télévision documentaire américaine diffusée entre 2009 et 2013 par la chaîne A&E Network. Chaque épisode de 60 minutes propose un ou deux cas d’intervention chez des hoarders, avec psychologues et entreprise de nettoyage.

Un ami médecin généraliste dans la plaine de la Bièvre, dans l’Isère, m’a raconté comment il avait pénétré un jour dans une maison isolée où le malade entassait ses papiers hygiéniques usagés !

Dans La Bête et la Belle[54], Thierry Jonquet installe le vieux Léon, un chien trouvé, chez un collectionneur de trains électriques quelque peu dérangé. Sa femme qui le « persécutait » ayant disparu – elle s’est sans doute cassée ! – le ferrovipathe imagine l’avoir tuée et cachée dans le congélateur. Pour qu’on ne la retrouve pas, il empile devant des sacs poubelle qui envahissent l’appartement. Il ménage des tunnels sous les empilements menaçants, pour continuer à faire circuler les trains. Les sacs suintent, la pestilence s’installe les contraignant à dormir sur le balcon…

Jonquet s’est peut-être inspiré de l’histoire des frères Collyer. À Harlem, dans les années 1930, face à un environnement qu’ils jugent de plus en plus hostile, ceux-ci s’isolent peu à peu. Des rumeurs circulant sur leur fortune, ils subissent une tentative de cambriolage. Dès lors, ils murent leurs fenêtres et blindent la porte de leur maison où sont entassés des livres, des meubles, des instruments de musique et des milliers d’autres choses. Homer devenu aveugle, Langley ne travaille plus et s’occupe de lui. Il piège la maison et aménage un système compliqué de tunnels parmi des amoncellements de boîtes, de journaux et de sacs poubelle attachés avec du fil de fer. Ils cessent de payer leurs dettes : en 1937, ils n’ont plus de téléphone ; en 1938, ni électricité, ni eau, ni gaz. Langley qui refuse tout médecin pour soigner son frère paralysé ne sort plus que la nuit. En 1947, les deux frères sont retrouvés à demi mangés par les rats. Langley, qui s’est fait prendre à l’un de ses propres pièges, écrasé par une valise et trois énormes piles de journaux, est vraisemblablement mort asphyxié en allant donner à manger à son frère, lequel est ensuite mort de faim. On dégage de la maison cent vingt tonnes d’objets et d’ordures : des voitures de bébé, une voiture de poupée, des bicyclettes rouillées, des aliments périmés, des épluchures de pomme de terre, une collection de pistolets, des chandeliers en cristal, des boules de bowling, du matériel photographique, la capote d’une voiture équestre, un chevalet pour couper le bois, trois mannequins, des portraits peints, des photos de pin-up girls de la fin des années 1900, des bustes en plâtre, le trousseau de mariage de leur mère, des sommiers à ressorts rouillés, un poêle à pétrole, une chaise d’enfant, plus de 25 000 livres (dont des milliers de livres de médecine et d’ingénierie et plus de 2 500 livres de droit), des organes humains conservés dans des bocaux, huit chats vivants, le châssis de la vieille Ford Model T de leur père, que Langley avait rafistolé, des tapisseries, des centaines de mètres de soie et d’autres tissus, des vêtements, quatorze pianos, un clavicorde, deux orgues, des banjos, des violons, des clairons, des accordéons, un gramophone et des disques, d’innombrables piles de liasses de journaux et de magazines, certains datant de plusieurs décades, des milliers de bouteilles et de boîtes de conserve et une quantité considérable d’ordures. Près du réduit où était reclus Homer, la police trouva aussi trente-quatre livrets de banque pour un total de 3 007 $ de l’époque[55].

Gérard P., aujourd’hui 66 ans, assujetti à l’ISF, vit sous tutelle depuis sa sortie du service militaire. Le mandataire judiciaire qui l’a suivi à partir de 2009 a trouvé un appartement empli du sol au plafond : des cartons de livres, de disques 33 t., de prospectus, de cassettes VHS, une collection de petites voitures, des objets de brocante, des peintures, des DVD pornos, des bidons d’urine. Le niveau même du sol avait monté, car l’on devait marcher sur les empilements. Gérard est détenteur d’un portefeuille de valeurs ; en avril ou mai, il touche ses dividendes, fait ses achats, et dépense tout. Il dispose aussi d’un pécule mensuel. Les arrivages sont sans fin. Périodiquement, le mandataire tente de rétablir un peu d’ordre et de propreté. Délabré, l’appartement est refait ; on déménage 7 m3 de cassettes VHS ; un second appartement est loué pour entreposer les cartons, puis successivement un, deux, trois et quatre garages. Gérard passe son temps jour et nuit, devant un mur d’images fait de vieux téléviseurs et de magnétoscopes rafistolés, le plus souvent ramassés dans la rue. Seul pilote de ce dispositif, tel un agent de sécurité devant des écrans de contrôle, il enregistre toutes les chaînes et tient à jour dans un cahier l’inventaire de ses enregistrements. Le lit est à côté, coincé entre les étagères. Lavabo et douche sont condamnés par les piles de cartons. Les écrans de veille sont des images SM[56].

Reliques

L’année même de l’ouverture du centre Georges-Pompidou, Daniel Spoerri y créa son Musée sentimental[57]. C’était une récolte d’objets empruntés pour l’occasion : le coupe-ongles de Brancusi, l’encrier de Charlotte Corday, le mouchoir de Barbey d’Aurevilly, des gants et des mocassins offerts à Lafayette, un petit cercueil avec des cheveux et un morceau d’os de Louis XVI, des reliques de Camille Saint-Saëns et de sa famille, un coffret avec les cheveux de Victor Hugo à différentes périodes de sa vie, une madeleine provenant d’Illiers, la canne d’Edmond Rostand, le métronome de Maurice Ravel, des feuilles de l’arbre sous lequel Lamartine écrivit Jocelyn, les palettes de Delacroix, Derain, Daumier, Dufy, Matisse, Monet, Millet et Moreau, les bas de l’impératrice Eugénie, la robe d’Édith Piaf, les pistolets de Mandrin, etc. Il réunira par la suite des collections semblables pour les villes de Cologne[58], Berlin[59] et Bâle[60].

Vers 1983-84, Spoerri acquit un coffret en bois marqueté, étiqueté « Collection de Mama W.[61] ». Reconnaissant dans ces objets recueillis et légendés par une Madame Wendelstadt de Darmstadt, dans les années 1870, l’ancêtre de ses propres Musées sentimentaux, il les mit soigneusement dans des boîtes individuelles. Ce sont « petite pierre rapportée de la prison de l’Île Sainte-Marguerite », « balle de la bataille de Waterloo », « passementerie d’un siège ayant appartenu à Marie-Antoinette », « rameau de saule pleureur de la tombe de Napoléon », « morceaux de bois provenant du lit dans lequel a dormi Pierre-Le-Grand, à Zaandam », « feuille de laurier d’une couronne posée sur le cercueil de l’empereur Maximilien », « petite pierre du tombeau de Rachel », etc.

Mais le musée sentimental avait peut-être déjà été inventé par Dominique Vivant-Denon. Directeur du Muséum central des arts, de 1802 jusqu’à la chute de l’Empire, organisateur des musées de province, lithographe, libertin, il est aussi connu pour son cabinet privé[62], avec le Gilles de Watteau[63], des dessins de Raphaël, des médailles, des momies égyptiennes, des laques du Japon, des vases péruviens, des statues Tonga, des émaux de Limoges, des dessins, une statuette de Visnu, etc. Il conservait aussi à la fin de sa vie d’insolites témoins placés dans les compartiments d’un reliquaire gothique : « Fragments d’os du Cid et de Chimène trouvés dans leur sépulture à Burgos, Fragments d’os d’Héloïse et d’Abailard extraits de leur tombeau au Paraclet, Cheveux d’Agnès Sorel, inhumée à Loches et d’Inès de Castro, à Alcobaça, Partie de la moustache de Henri IV, Roi de France, qui avait été trouvée toute entière lors de l’exhumation des corps des Rois à Saint-Denis, en 1793, Fragment du linceul de Turenne, Fragments d’os de Molière et de La Fontaine, Cheveux du général Desaix, la Signature autographe de Napoléon, un Morceau ensanglanté de la chemise qu’il portait à l’époque de sa mort, une Mèche de ses cheveux, et une Feuille du saule sous lequel il repose à l’île de Sainte-Hélène », auxquels il faut ajouter « la Moitié d’une dent de Voltaire, un Fragment de pierre calcaire détachée du Chéops de Gizèh, un Fragment de grès de la statue de Memnon (Aménophis II) de la plaine de Thèbes, la Partie antérieure d’un pouce de la statue du général Desaix[64] ». La modernité a inventé la relique laïque : goût de l’histoire événementielle et anecdotique, et culte des grands hommes. Le Panthéon n’a-t-il pas été destiné par la Révolution à abriter une collection de ce genre ?

« In the future, everyone will be world-famous for 15 minutes » a un jour affirmé Andy Warhol. De 1974 jusqu’à sa mort en 1987, il a placé dans des cartons de déménagement toutes sortes de reliques de sa vie quotidienne. Une fois emplis, il envoyait ces Time Capsules dans une remise. Le Warhol Museum de Pittsburgh en conserve 610, contenant des milliers d’objets[65] : shampooing, savons d’hôtel, médicaments, journaux, ongles coupés, pied momifié, cartes postales, courriers personnels, livres, timbres oblitérés, objets en plastique, photos, films Super-8, bandes dessinées, coupures de presse, disques 33 tours, etc.

Il est des reliques plus modestes. Rose[66], bibliothécaire, a conservé toutes les petites sculptures réalisées avec les muselets et les coiffes des bouchons de mousseux bus au cours d’un apéritif hebdomadaire avec ses collègues de travail ; la collection a envahi son appartement. Ce sont des souvenirs de ce rituel convivial.

Plus proches du musée de Marsac sont les Inventaires de Christian Boltanski, collections de fortune, présentation littérale sur estrade ou derrière vitrine de pauvres successions sans héritiers. L’Inventaire des objets ayant appartenu à une femme de Bois-Colombes, réunissait ainsi : 3 pull-overs, 4 manteaux, 1 jaquette de laine, 3 robes, 1 imperméable, 10 corsages, 1 veste, 1 maillot de corps, 3 ensembles, 7 jupes, 1 doublure, 1 peignoir, 2 pantalons, 4 foulards, 3 chemises de nuit, 1 robe de chambre, 3 culottes, 4 soutien-gorge, 1 gaine, 3 collants, 2 paires de lunettes, 1 outre, 4 paires de chaussures, 1 paire de chaussons, 1 paire de bottes, 3 sacs à main, 2 paires de gants, 3 chapeaux, 1 paire de ciseaux, 1 dé à coudre, 2 aiguilles, 1 mètre, des rubans, des boutons, de la laine, du fil, 1 fermeture éclair, des agrafes, des bobines de fil, 1 paire de lacets, des trombones, des élastiques, 1 réveil, 1 boîte métallique, 1 coquillage, 1 poste de radio, 2 clefs, 2 colliers, des bagues, 1 lampe de poche, 2 statuettes, des animaux de verre, 1 tirelire, 1 pot, 3 tableaux, 1 horloge, 1 panier, 1 coupe, 1 assiette décorative, 2 cendriers, 1 appareil photo, des cintres, 1 jeannette, 1 fer à repasser, 1 thermomètre, 1 bouillotte, 2 couvertures, des draps, 4 serviettes, 1 taie, 2 napperons, des torchons, des mouchoirs, 1 tube de dentifrice, 1 pot de crème, du shampoing, des médicaments, de la teinture d’iode, des pansements, 1 flacon d’eau de toilette, 1 brosse à dents, 1 pierre ponce, 1 pince à épiler, 1 coupe-ongles, 1 savon, des gants de toilette, du fard à joues et de la poudre, de la laque, 1 tube de rouge à lèvres, du noir à cils, 1 peigne, 1 filet, des rouleaux pour mise en plis, 1 brosse à cheveux, 1 beurrier, 1 carafe, 1 louche, 2 plats, des verres, des couverts, 1 dessous de plat, 1 bol en verre, 1 cafetière, 1 théière, 1 moulin à poivre, 1 minuteur, 1 tire-bouchon, 1 ouvre-boîtes, 1 couvercle, 2 poêles, 3 plats, 3 casseroles, 1 passoire, 1 panier à salade, 1 moulinette à légumes, des couverts à salade, 1 râpe, 1 moulinette à persil, 6 tasses, 1 égouttoir, des assiettes, 1 grille-pain, un gant de cuisine, 1 moulin à café, 1 écumoire, des filtres, 2 spatules, 1 ouvre-bouteille, 1 clé à sardines, 1 fourchette à viande, 1 grattoir métallique, 1 allume-gaz, 1 presse-citron, 1 moule à gâteau, 1 boîte à œufs, 1 rouleau de papier, 1 éponge, 1 bouteille plastique de détergent, 1 autre de liquide vaisselle, de la cire, 1 tube de cirage, 1 chiffon, 1 brosse à habit, 1 fauteuil, 1 table ronde, 1 table roulante, 2 chaises, 2 tables, 1 poste de télévision, 1 coussin, 1 frigidaire, 1 table de cuisine, 1 cuisinière, 1 buffet, 1 lit, 1 aspirateur, 45 livres, 6 photographies, 1 répertoire, 2 carnets de notes, 1 stylo à bille, 1 stylo à encre, 1 portefeuille, des lettres, des brochures, des cartes postales, 1 carnet de chèques, des talons de chèques, des enveloppes, des factures, 1 ticket de métro, des papiers.

Daniel Spoerri, inventeur des tableaux-pièges, qui avait publié en 1961 l’inventaire commenté de tous les objets se trouvant sur sa table de cuisine[67], déclara un jour qu’à la découverte en 1973 des inventaires de Boltanski – ces sortes de reliques faites œuvre d’art – il avait eu « l’impression que quelqu’un lui avait filé entre les jambes[68] ». Le programme énoncé par Boltanski, en 1969 – « Garder une trace de tous les instants de notre vie, de tous les objets qui nous ont côtoyés, de tout ce que nous avons dit et de ce qui a été dit autour de nous, voilà mon but » – était attribué à un personnage de fiction qui portait son nom. Les archives de C.B. 1965-1988 poursuivent ce projet. 646 boîtes à biscuit en fer blanc, plus ou moins rouillées, empilées le long d’un mur sur presque trois mètres de hauteur et éclairées par des lampes de bureau, sont censées contenir plus de 1 200 photos et 800 documents provenant de l’atelier.

Il est aussi des reliques collectives. Le Musée de l’insolite[69] à Liauzu, dans la vallée du Célé, comprend non seulement des ready-mades assistés et des gags fabriqués de toutes pièces par Bertrand Chenu, mais aussi tout un ensemble de choses trouvées par lui, des restes, des déchets, des fragments, des rebuts, ramassés par terre au détour du chemin et dûment étiquetés, l’une des plus inquiétante collection qui soit : un morceau de bois ressemblant à une girolle, un tableau d’amateur encadré rongé par la moisissure, un petit buste en pierre « resculpté » par l’eau d’une gouttière, une boîte de piles usagées, un arrosoir « rereréparé », tout un ensemble d’objets rouillés trouvés dans la rivière en contre-bas, etc. Comme Werner Bellwald à Lötschental, dans son Sperrmüll-Museum[70], on peut dire que Chenu a recueilli des reliques anonymes de ses contemporains. Une collection de restes. La syllogomanie au service d’une sociologie contemporaine. La sociologie de la société du déchet, celle dont Vance Packard[71] dresse le premier portrait en 1960.

Thierry Agullo[72], dont la collection de fers à chaussure figurait dans l’exposition de Mathey, disait en avoir rassemblés plus de 30 000. Il prétendait non moins en tirer un savoir sociologique[73] : âge et sexe des propriétaires, appartenance sociale, parcours dans la ville, etc.

Connoisseurship

Christian Ludwig von Hagedorn incarne la figure – nouvelle au XVIIIe siècle – d’un expert collectionneur, qui tire son expertise de l’étude de sa propre collection et inaugure un discours sur l’art qui s’éloigne des vies d’artistes. Dans sa Lettre à un Amateur de la Peinture[74], il construit les règles de son appréciation par le commentaire pièce à pièce des œuvres qu’il a réunies, alors que ses concurrents s’appuyaient sur leurs souvenirs du Grand Tour. La collection est ici le garant de l’acuité de l’œil ; c’est elle qui le forme et l’entretient. La galerie du collectionneur est un « temple du goût ».

Ce modèle perdure heureusement chez les meilleurs historiens de l’art. Lorsque j’arrivais en Bourgogne en 1977, je rencontrais entre autres, Serge Lemoine et Michel Frizot. Le premier, reconnu comme l’un des grands connaisseurs des avant-gardes abstraites, collectionnait de petits tableaux de paysages du XIXe siècle qu’il achetait en ventes aux enchères ou ailleurs ; certains, anonymes, n’avaient été sélectionnés par lui que grâce aux ressources de l’œil. Le second, qui donnait un cours passionnant d’histoire de la photographie, courrait les puces pour acheter des clichés anonymes[75] qu’il montrait à l’occasion à ses étudiants. La collection comme instance émancipatrice, libérant le jugement de tout name dropping.

L’université enfante des collectionneurs. Collectionner les livres, mais aussi toutes sortes de documents est l’apanage des scholars. Il en ont besoin dans leurs travaux de recherche, et beaucoup en viennent à se ruiner pour posséder ces sources plutôt que de les consulter en salle de lecture. Ils réunissent parfois des ensembles documentaires précieux, qui n’existent pas ailleurs ; retraités, ils les donneront peut-être à quelque bibliothèque universitaire.

Pascal Griener a publié deux livres sur l’expérience du regard en matière d’art, le premier sur le XVIIIe siècle[76], le second sur le XIX[77], tous deux remarquables par l’originalité des références. Au lieu de passer en revue les théories de l’art des époques concernées – Baumgarten, Burke, Diderot, Dubos, Fiedler, Hildbrandt, Lessing, Poussin, Reynolds, Riegl, Ruskin, Schopenhauer, Winckelmann, Wölfflin, Wörringer, etc. –, il s’intéresse au renouvellement de l’expérience de la peinture grâce à sa diffusion par la gravure, par le livre et par l’exposition. Ces nouvelles sources – manuels de vulgarisation, guides, reproductions –, tenues jusque-là comme secondaires par les historiens, ont été patiemment rassemblées en chinant[78]. La collection originale qu’il a constituée avec Cecilia Hurley est au service de ce savoir davantage anthropologique, concevant une nouvelle histoire qui n’est plus celle de la Kunstliteratur de Julius von Schlosser.

Bibliothèque

Les bibliomanes constituent à n’en pas douter une race particulière parmi les syllogomanes. Charles Valentin Alkan (1813-1888), compositeur de morceaux difficiles pour le piano, devenu méfiant et misanthrope, vivait à la fin de sa vie de plus en plus reclus. C’est en essayant dit-on d’attraper un exemplaire du Talmud qu’il provoqua la chute de sa bibliothèque et en mourut. Avoir et ne plus être !

Le principe de classement adopté par les bibliothèques universitaires (et bien d’autres) suit le modèle de la classification décimale universelle mis au point en 1905 par les juristes Paul Otlet[79] et Henri La Fontaine[80], à partir de la classification décimale de Melvyl Dewey (1894), dans le cadre de leur Institut international de bibliographie créé en 1895. Pour l’Exposition universelle de 1900, à Paris, ils exposent déjà une partie de leur Répertoire bibliographique universel : 2 000 000 fiches, 2 000 tiroirs, 28 meubles. En 1905, les 2 000 pages du Manuel du Répertoire bibliographique universel qui pèsent 4 kg comprennent un index alphabétique de 40 000 mots avec leur correspondance chiffrée. Naquit ensuite l’utopie d’une institution rassemblant l’ensemble des connaissances du monde. De 1920 à 1934, elle est installée à Bruxelles en tant que Mundaneum[81] dans l’aile gauche du Palais du Cinquantenaire, où elle développe sa bibliothèque qui comptera jusqu’à 200 000 volumes et ouvre une cinquantaine de salles d’une sorte de musée scientifique et technique. Réinstallé à Mons, le Mundaneum « deuxième époque » fut ouvert au public à l’occasion de Mons – capitale européenne de la culture, le 27 juin 2015 avec l’exposition Mapping Knowledge. Outre son fonds d’archives, les 12 000 000 fiches de son répertoire bibliographique et les 55 000 plaques de verre de son fonds iconographique, il conserve aussi une collection de journaux des années 1895-1914, les papiers personnels de ses deux fondateurs, ainsi que des collections relatives au féminisme, au pacifisme et à l’anarchisme. Il a gagné le surnom d’Internet de papier ou de Google de papier[82]. À l’âge de quinze ans, avec des amis de son âge, Paul Otlet avait déjà fondé la « Société particulière des Collectionneurs réunis », dont les statuts précisaient que ses membres « s’engagent à recueillir le plus d’objets possible pour leurs collections respectives et à distribuer sagement les objets en double[83] ».

Aby Warburg considérait sa bibliothèque comme sa principale œuvre. En débordant la Kunstliteratur pour se placer du point de vue de la Kunstwissenschaft, il avait intégré parmi ses 65 000 volumes bon nombre d’ouvrages portant sur des questions non directement artistiques[84]. Le classement n’en était ni disciplinaire, ni chronologique, ni alphabétique, mais thématique, et obéissait au principe associatif du voisinage. Fritz Saxl a rapporté comment Warburg le modifiait fréquemment, en remodelant de la sorte ce qui matérialisait son Denkraum. Le classement actuel au Warburg Institute de Londres reflète encore, en partie, cette pensée[85]. Mais cette bibliothèque était aussi un espace de travail où tout devait être à portée de main, comme dans une arène[86]. La bibliothèque comme dispositif tout à la fois mental et spatial.

Pour Raymond Hains, « son chantier permanent, ouvert, c’était sa bibliothèque[87] ». Partout où il passait, elle finissait par saturer son environnement ; elle était le complément de l’atelier ambulant que constituaient cafés et restaurants où il se tenait le plus souvent. Il annotait à l’encre « bleue Klein » ses livres, parfois achetés et lus plusieurs fois, et les rangeait dans des valises de couleurs vives, le long des murs de ses appartements, à Paris et à Nice (une soixantaine de valises de marin en métal). Il rédigeait des fiches sur des cartes bristol qu’il rangeait dans des boîtes de fromage Kiri. Ses boîtes d’archives, elles aussi empilées, passèrent de couleurs sombres à d’autres, vives, qui lui rappelaient les gouaches de Matisse. « Par un rangement très serré, il optimisait l’espace de ces boîtes qui contenaient indifféremment : des livres illustrés, des romans, des essais historiques, des ouvrages philosophiques, des guides verts Michelin, des petits dictionnaires (anglais, allemand…), des livres de poche et, plus rarement, des traités anciens, toujours au milieu de livres de moindre valeur. Et, glissés dans les espaces que ne pouvaient pas combler les livres : des boîtes de diapositives, des pochettes de tirages photos, des dossiers à élastiques contenant des photocopies, des cartes de visite, des notes de restaurant ou des billets de train. » Il y avait aussi des caisses en plastique « pleines de courriers, factures, journaux, d’exemplaires de Match ou de L’Express, de pochettes de négatifs […] en attente de classement. Et enfin de nombreux sacs plastique, surtout de librairies (Tschann, La Hune…) ou de labos photos[88] […] » Raymond Hains, qui disait être un « désordinateur », pratiquait ainsi, selon Pierre Leguillon « l’art du déclassement ».

La bibliothèque personnelle – encyclopédique – de Hubert Duprat avait eu les honneurs d’un article en 2000[89]. Ce n’est cependant qu’une excroissance très spécialisée, consacrée au Trichoptère, qui est présentée anonymement ou presque, à Genève, en 2012[90]. Des savants avaient déjà pu, par le passé, rassembler une documentation ou des objets relatifs à cet insecte. Mais la bibliothèque réunie par Hubert Duprat n’est pas celle d’un entomologiste. Il ne s’intéresse qu’à la larve et à son activité constructrice d’étuis minéraux ou végétaux, en mêlant entre autres aux sources scientifiques : de la littérature romanesque, des livres de souvenirs, des revues halieutiques et des ouvrages didactiques destinés à la jeunesse[91]. Dans sa présentation à Genève, des copies de documents sur table étaient proposés aux visiteurs pour reclassement, ainsi que des tableaux pour ajouter de nouvelles interprétations ; les gravures aux murs, quant à elles, constituaient une sorte de résumé de l’histoire de l’illustration scientifique. Cette collection unique en son genre, décomplexée à l’égard des dictats disciplinaires, a permis de mettre en ligne plus d’un millier d’extraits de textes et une iconographie non moins nombreuse. « Amorces, sedges et traditions, appâts, Babel, best of, célébrités, comme, contes et légendes, erreurs, expériences in vitro, Extrême-Orient, images, imitation, leçons de choses, poèmes, underground[92] », les catégories organisant les données de ce site tournent le dos à l’entomologie.

Vieux papiers et éphémères

« On a collectionné des affiches ! » s’étonne Balzac[93] en 1843, en parlant bizarrement au passé révolu. L’image et les éphémères en général, eux aussi peuvent être collectionnés et mis au service du savoir. En plus du livre : les vieux papiers.

La première somme en matière d’éphémères fut Vieux Papiers Vieilles Images de John Grand-Carteret[94]. Un impulsion décisive fut ensuite donnée par la revue Le Vieux Papier, fondée en 1900 par Henry Vivarez, mais Grand-Carteret en avait émis l’idée sept ans auparavant[95]. Collectionneur passionné d’images gravées ou imprimées en tout genre, créateur en 1893 de la revue Le Livre et l’Image, ce fils de banquier genevois ruiné peut être tenu à juste titre pour l’un des fondateurs de l’iconographie, après Champfleury[96] premier grand collectionneur d’imagerie populaire et de caricature, et aux côtés d’Eduard Fuchs[97] son jeune homologue allemand, lui aussi grand collectionneur et amateur de caricature et d’images érotiques. Marques du papier, papier à lettres, feuilles de compliments, cartes de visite et de souhaits, billets et lettres de part, cartes et lettres d’invitation, programmes de fêtes et de soirées, papiers administratifs et politiques, imagerie populaire, cartes à jouer, calendriers muraux, thèses, jeux de l’oie, éventails, écrans, abat-jour, papier peint, silhouettes, découpages, ombres chinoises, titres de musique, rébus et calembours illustrés, étiquettes, cartes d’adresse, papier-monnaie, billets de loterie, tickets d’exposition, factures et papiers de commerce, affiches murales, prospectus et réclame commerciale, gravures de toutes sortes, peu de vieux papiers échappent à la collectionnite qui préside à la rédaction de son livre de 1896. Sa curiosité ne se limite ni à l’imagerie populaire d’Épinal ou d’ailleurs, ni à la caricature. La liste des chapitres de son livre forme une collection de collections. Leur ensemble n’avait jamais été réuni comme tel avant lui. Il l’invente, il en est le créateur.

Walter Benjamin, de son côté, tenait Fuchs en tant que collectionneur « vor allem ein Pionier : der Begründer eines einzig dastehenden Archivs zur Geschichte der Karikatur, der erotischen Kunst und des Sittenbildes[98] ». Il le rapprochait de l’ethnologue Adolf Bastian[99] « par son inextinguible soif de matériel. Et de même que Bastian était parvenu à une renommée légendaire par sa promptitude à partir avec sa mallette, dès qu’il fallait éclaircir une question, et à s’engager dans des expéditions qui le retenaient des mois durant loin du pays, de même Fuchs obéissait-il toujours aux impulsions qui l’envoyaient quérir de nouveaux documents[100]. » Car pour Fuchs, après les Goncourt et Grand-Carteret, la collection avait une valeur documentaire. Les fiches de Balzac lui avait permis d’écrire son étude des mœurs ; Grand-Carteret publiera en 1885 Les Mœurs et la caricature[101] et, en guise de testament, les cinq volumes de L’Histoire, la vie les mœurs, la curiosité[102]  ; entre-temps Fuchs avait donné, lui, les trois volumes de sa Sittengeschichte vom Mittelalter zum Gegenwart[103]. Quant aux Goncourt, pour écrire les treize fascicules de L’Art au XVIIIe siècle, ils étaient devenus d’éminents collectionneurs des objets de cette époque. Chez eux, certes, la collection est au service de l’étude des mœurs, mais elle devient aussi une fin en soi.

Krzysztof Pomian a suivi la transformation des collections particulières depuis les Schatzkammern jusqu’à l’art moderne. Il avance que lesdites collections ont été libérées par le musée du lien privilégié qu’elles entretenaient au XVIIIe siècle avec le savoir : « Leur importance décroît pour le grand public à partir du moment où il peut visiter les musées. Aussi les collections particulières sont elles déchargées de la fonction cognitive s’agissant de tout ce qui est muséalisé, sauf lorsqu’elles appartiennent à des savants professionnels […] La collection particulière peut donc devenir, sans réserve, l’expression de la personnalité du collectionneur […] Elle peut être son œuvre, celle qu’il laissera à la postérité[104]. »

Le savoir reste pourtant un constant alibi pour Grand-Carteret et Fuchs. Avec eux, se dessine une configuration qui non seulement rapproche le collectionneur iconographe de l’érudit et de l’ethnologue, mais aussi en fait en même temps comme un inventeur ou un créateur. (François Mathey parlait de la « passion créatrice » de ses collectionneurs.)

C’est cette qualité d’artiste créateur que s’attribuaient les frères Goncourt, en affirmant être les premiers à avoir remis le XVIIIe siècle au goût du jour. Dans La Maison d’un artiste[105], Edmond ne consacre pas moins de cent cinquante pages au catalogue commenté des dessins français dudit siècle conservés dans leur petit salon. Avec les meubles, peintures et bibelots qui leur étaient contemporains, une très grande partie de cet ensemble, à partir de 1856, avait été mise au service d’un savoir sur les mœurs, qui donna plusieurs ouvrages[106] et les douze fascicules de L’art au XVIIIe siècle[107]. Aux yeux des Goncourt, leur collection, présentée dans un ameublement où tout devait relever harmonieusement du même style, de la même époque, valait comme art de vivre. C’était aussi participer au développement de la period room.

Les considérations sur la déconstruction ont grandement contribué à donner aux éphémères une saveur de sujet à la mode. Marges, de Jacques Derrida, ou Annexes – de l’œuvre d’art, de Jean-Claude Lebensztejn, peuvent servir ici de références.

La version originale de Fountain de Marcel Duchamp n’est connue que par la photographie d’Alfred Stieglitz publiée dans la deuxième livraison de The Blind Man, peu après le salon de la Society of Independent Artists de New York où elle n’avait pas été montrée. L’originale perdue, seules des copies en ont été exposées par la suite. Fort de ce constat, Saâdane Afif a commencé en 2008 The Fountain Archives, qui compte aujourd’hui 899 reproductions différentes des versions apocryphes du fameux urinoir. Cet ensemble en devenir a été mis en ligne en 2015[108], et forme une exposition itinérante depuis 2017[109].

L’art de Pierre Leguillon « implique de prendre en charge tout ce qui constitue habituellement le paratexte de l’œuvre (les cartels, les caisses de transport, les cartons d’invitation, la titulature, la grille de programmation[110]…) ». Il repère les nombreuses créations typographiques de Jean Dubuffet, dans ses signatures, affiches et couvertures de catalogues : il en fait une exposition[111] et un livre[112]. Récemment, avec l’aide d’un collectif, il a publié Oracles[113], un recueil d’études sur 123 cartes de visite d’artistes, toutes reproduites matériellement à l’identique (même graphisme, mêmes couleurs, même papier, même format) et insérées librement dans l’ouvrage.

Collections d’artistes

Au début de l’âge classique, tandis que Peiresc collectionnait en vue de constituer un lieu de découvertes, au nom de la connaissance, Rubens, son contemporain[114], collectionnait selon des critères de goût, en vue de posséder ce qu’il jugeait être de bons modèles pour son art. Sa collection de copies « pratiques » formait une banque d’images de référence et lui servait d’outil de travail[115]. Tant par goût que par souci documentaire, le dessin a été longtemps le médium privilégié des collections d’artistes[116].

Entre 1950 et 1989, E. Maurice Bloch réunit soixante-quatre vues d’ateliers d’artistes sur papier albuminé remontant au siècle précédent[117]. On y voit notamment : les céramiques arabes, tissus, et autres narguilés récoltés en Égypte par Frederick Arthur Bridgman ; les objets et décors hispano-mauresques de Georges Clairin ; les objets rapportés du Maroc par Benjamin-Constant ; la collection d’artillerie d’Édouard Detaille ; les œuvres d’art, bronzes et objets précieux de Jean-Léon Gérôme ; les œuvres antiques et médiévales d’Albert Maignan ; les lances, drapeaux, cuirasses, panoplies d’armes et coiffures militaires d’Alphonse de Neuville ; les tapis, armes, bottes et éventails japonais de Georges-Antoine Rochegrosse. Comme les bibelots d’Inde et du Japon d’Alfred Stevens (absents de la photo), la plupart de ces objets collectionnés servaient aussi d’accessoires entrant dans les compositions peintes.

Nombre d’artistes ont collectionné leurs pairs et ces collections reflètent le plus souvent un goût en rapport avec l’engagement personnel. Une récente exposition à la National Gallery, à Londres[118], a montré plus de 80 œuvres issues des collections d’Antoine van Dyck, Joshua Reynolds, Thomas Lawrence, George Frederic Watts, Edgar Degas, Edmund Blair Leighton, Henri Matisse et Lucian Freud, accrochées à côté de leurs propres œuvres. Auparavant, à Avignon[119], on avait pu voir les collections d’Arman, de David Armstrong, Miquel Barceló, Jean-Charles Blais, Louise Bourgeois, Daniel Buren, Christo et Jeanne-Claude, Francesco Clemente, Jan Fabre, Nan Goldin, Douglas Gordon, Jenny Holzer, Roni Horn, Gottfried Honegger, Pierre Huyghe, Jasper Johns, Alex Katz, Joey et Lisa Kötting, Bertrand Lavier, Louise Lawler, Jean-Jacques Lebel, Sol LeWitt, Brice et Helen Marden, Henri Matisse, Jonas Mekas, Jonathan Monk, Giulio Paolini, Pablo Picasso, Jean-Pierre Raynaud, Gary Rough, Julian Schnabel, Andres Serrano, David Shrigley, Kiki Smith, Niele Toroni, Cy Twombly, Bernar Venet et Lawrence Weiner. « Echanges, cadeaux d’anniversaires ou de mariages […], dons et contre-dons improvisés dans un atelier, ou parfois savamment organisés par une galerie pour mettre la main sur une œuvre inachetable : c’est souvent sur le mode du troc, de l’échange amical, de la reconnaissance mutuelle que les artistes du XXe siècle constituent une bonne part de leurs collections personnelles. Elles sont ainsi faites de rencontres plus ou moins fortuites, d’amitiés durables […] On entre alors ici dans une autre histoire de l’art, plus affective que muséale […] Au contraire des grandes collections publiques qui tendent à construire une histoire officielle de l’art et qui désignent les chefs-d’œuvre et les maîtres de chaque génération, ces Collections d’artistes sont à chaque fois une vraie proposition de contre-culture[120]. » Et certains artistes, soulignant cette dimension personnelle de leurs acquisitions, d’affirmer qu’ils ne sont pas collectionneurs !

Parmi ces collections présentées à Avignon : la dark room de David Armstrong, un cabinet privé où le photographe américain donne vie à son imaginaire homosexuel, depuis une photo dédicacée de Cocteau jusqu’au portrait de Joe Dallesandro, l’icône des films underground d’Andy Warhol.

Francis Alÿs, quant à lui, a été fasciné par des ex-voto et autres copies (dessins, lithos, photographies et peintures) reproduisant la Sainte Fabiola de Jean-Jacques Henner, un tableau de 1885 aujourd’hui disparu. Depuis 1992, il a accumulé quelques 450 exemplaires de ce portrait de la patronne des femmes battues[121].

Pop

Lors de son séjour à Paris, en 1947, Eduardo Paolozzi commença à rassembler dans des albums des coupures de magazines américains comme Look, Life ou Esquire  : publicités pour des aliments, voitures rutilantes, avions, pin-up girls, etc., toutes coupures conservées telles quelles ou intégrées à des collages[122]. À Londres, à partir de 1952, il participe aux activités de l’Independent Group, au sein de l’ICA[123]. C’est là qu’il projette, à l’aide d’un épidiascope, les images favorites de ses scrapbooks. L’art découvrant la culture de masse. Cette préhistoire du Pop Art anglais est suffisamment connue…

Beaucoup d’artistes de la génération du Pop Art collectionneront des objets et de l’imagerie populaire, en incluant dans cette catégorie les produits de la culture de masse. À Chicago la collection de found objects et de folk art de Ray Yoshida, peintre, collagiste et professeur à compter de 1959 à l’école de l’Art Institute, formera le goût des Chicago Imagists[124]. Dans les 12 boîtes déposées aux Archives of American Art (Washington, DC), après son décès, outre des enregistrements de cours, des dessins, des carnets de notes, des écrits, une collection de cartes postales, des guides et catalogues, des magazines, des reproductions, des flyers de toutes sortes, des affiches publicitaires ou autres, et de nombreuses photographies, on trouve de nombreuses coupures pour des collages.

C’est en 1963 que Robert Opie commença à récolter des sacs de marques et des emballages de produits de consommation et devint « a pioneer in packaging collection ». Il étendit sa quête à toutes sortes d’objets : « bottles, tins, labels, signs and many forms of promotional and advertising material ». Versée en partie au Museum of Brands, Packaging & Advertising, désormais à Notting Hill, elle se monte aujourd’hui à environ 500 000 objets. Le musée en expose 12 000[125].

Le catalogue général[126] des œuvres d’Erró ressemblait déjà, en 1976, à une énorme collection de collections : « […] Meca ; The Art World ; les individus ; les anatomiques ; le monde végétal ; les vestiaires masqués ; Galapagos ; Human Libraries ; The Sahara Lovers ; Meca-make-up ; les usines ; Motors ; The Sympathetic Nerve System ; les nages ; Springland ; sex-trémités ; abolition des races ; maternités ; les vacances en Suisse ; portraits ; l’appétit pictural ; l’appétit est un crime ; les ombromanies ; retour des USA ; Juxta-Paintings ; déphysionomies ; Van Gogh-Modigliani ; baroquisme ; Pope-Art ; Forty-Seven Years ; les peintres et leurs modèles ; la peinture en groupe ; The Agression ; The Monsters ; New York ; Ecce Homo ; portrait ; Cristall ; American Interieurs ; tableaux tournants ; le portrait professionnel ; The Speed ; Torture Manor, Stanton and Jim Bondage ; Berlin ; Quaranta Punti ; The Girls of ; Fishing-Ground ; Experiments ; perspectives ; Cities ; Rest and Recreation ; Made in Japan ; For R. Crumb ; Suchart ; Soi Sip Song ; Chinese Paintings ; Léger ; Soi. » Dans son atelier, je me souviens avoir remarqué, en 1982, « une très grande banque avec de nombreux tiroirs[127] », où il classait ses documents. Car pour peindre, il réalisait d’abord des collages en puisant dans la masse de catalogues, revues, dépliants touristiques ou publicitaires accumulée au cours de ses voyages[128]. Dans son programme du Musée des Obsessions, Harald Szeemann ne donnait qu’un seul exemple, Erró, pour « Die Obsession des Sammeln als grundlage für die bildnerische Tätigkeit ».

Les collections liées au courant pop témoignent du goût d’une génération à la recherche de nouvelles sources artistiques. Elles sont contemporaines des premières études de sociologie sur la société de consommation[129] et de celles qui seront tenues ensuite pour fondatrices des Cultural Studies[130].

Plus près de nous, le regard systématique sur les gadgets, jeux, figurines, petits objets et autres illustrations des années 1950 et 1960 a conduit au tournant du millénaire à l’ouverture du Miam à Sète, le Musée international des arts modestes[131]. À l’origine, deux collections : celle d’Hervé Di Rosa[132] et celle de Bernard Belluc[133]. En 1990, comme prélude, les Caravanes de l’art modeste, aménagées avec Marc Lebris, rendirent un temps les collections mobiles. La collection de Belluc, « chineur passionné d’art modeste », saturait primitivement les murs de son appartement couverts d’étagères débordantes. Au Miam, il en a fait lui-même des vitrines thématiques qui, éclairées de l’intérieur dans une salle plongée dans le noir, ressemblent fort à de fantastiques aquariums. Quant à Di Rosa, il réunit entre autres quelques 3 600 figurines chinées aux quatre coins du monde. La carte des « territoires des arts modestes » comporte 67 contrées : « architectures vernaculaires, parcs à thème, cinéma amateur, art saint-sulpicien, télévision, art officiel, installations impromptues, tags et grafs, art de la copie, art touristique, épouvantails, travaux d’aiguilles, danse rock et hip hop, tradings cards, théâtres de marionnettes, romans de gare, fanzines, posters, art funéraire, tatouages arts du corps, châteaux de sables, flyers, carnavals, art forain, pornographie, cilps vidéos, ex-voto, maquettes et diorama, comics, historietas, cordeis, maisons de poupées, pochettes de disques, livres pop-up, boules de neige, miniatures, emballages, productions de fans, art de la récupération, étiquettes, notices et mode d’emploi, patuas, art de supermarché, T-shirts, enseignes peintes, décors et accessoires, dessins de presse, otakus, tramp art, art tiki, autels, objets en sucre, gâteaux décorés, décorations de fêtes populaires, jouets musicaux, customs, jeux vidéos, cartes postales, art publicitaire, art carcéral, marché aux puces, cadeaux primes, action figures et figurines, musées étranges et insolites, cabinets de curiosités, art des collections, péninsule des collections modestes[134] ».

Folk Archive est à l’origine une exposition itinérante de Jeremy Deller et Alan Kane[135]. Elle rassemblait des bannières conçues par Ed Hall pour les trade union activists et d’autres communautés, des pancartes avec des slogans, des class war flyers, des pistolets de tatouage et des dessins réalisés en prison, des masques de carnaval, des ikebanas du Women Institute Flower Arrangements, des casques ou casquettes customisés de Dave Crossley et Terry of Costain Taylor Woodrow, des cigarettes et de faux ongles décorés, Snowdrop, l’éléphant mécanique de la famille Clare, des slips brodés (dont celui de Tom Harrington) portés à la Cumberland & Westmoreland Wrestling Competition, des animaux en carotte, pomme de terre, poireau, etc., de G.H. Ghent, Louise Guillaume, May Davidoff-Grey ou Brenda Wheeler, les têtes de clowns peintes sur des œufs de la Clown’s Gallery de Dalston, des Hooden Horses du Kent, le costume couvert de chardons du Burry Man de Queensferry en Écosse, celui de Mari Lwyd de Galles du Sud (équivalent de notre cheval-jupon), etc., mais aussi de nombreuses photographies, des vidéos, des enregistrements sonores de Doc Rowe documentant les fêtes saisonnières à travers le Royaume-Uni, ainsi que d’autres photographies ou films documentant des pratiques populaires comme ce Bastille Day organisé chaque 14 juillet par une pâtisserie londonienne ou le World Gurning Championships de l’Egremont Crab Fair. Les auteurs de ces objets et manifestations, souvent nommés, étaient considérés comme des « artistes » par les deux commissaires, et comme des « poètes » par le postfacier du catalogue[136]. L’originalité de cette collection tenait dans la constante subordination des objets et des images à des manifestations et des pratiques actuelles, le folklore n’étant pas cantonné dans les objets des arts et traditions populaires du passé.

Dans la section Frame de la Frieze Art Fair de 2009, Alan Kane présenta, aux murs et sur des socles telles des œuvres d’art, la Collection of Mr & Mrs L. M. Kane  : des knick-knacks, babioles, curiosités et objets de décoration sortis de l’appartement de ses parents.

Alain Sevestre a réuni en un volume ses descriptions de 47 croûtes, des « tableaux parfois encore en situation dans des maisons, ou bien des tableaux sauvés des poubelles, vendus pour leur cadre, achetés dans des dépôts-ventes, des déballages de greniers, des foires à tout, que personne n’a vus[137] ». Jim Shaw a montré à plusieurs reprises, dès 1990, sa collection de Thrift Store Paintings[138]. Il n’y a pas comparaison. Sa collection n’est pas n’importe quelle collection de banales croûtes, même si elles peuvent être classées de façon académique en portraits, paysages, scènes de genre, etc. Il les a choisies une à une parce qu’il ne savait pas pourquoi elles avaient été faites. Comme il le dit en se parlant à lui-même : « You tend not to go for folksy painting ; you go for things that have a relation to art brut, psychedelia, and surrealism. You don’t have any barn paintings. You have a few homey paintings of children or animals or domestic subjects, but there are not many Sunday paintings in the collection. They tend to be strange[139]. »

Les Thrift Store Paintings appartiennent à ce que l’artiste a pu rassembler en matière de « débris de la civilisation américaine ». Ces References & Sources[140] de son propre travail ont été présentées en partie en 2010 et, de façon beaucoup plus exhaustive, sous le titre The Hidden World[141], en 2013 et 2014  : « a rich universe composed of books, flyers, T-shirts, vinyls, and other illustrations with didactic intentions, that recycle American myths ». Des productions d’artistes travaillant « for specific commissions by religious denominations, not so secret societies, far-fetched orders and fraternities, evangelical and fundamentalist movements, New age spiritual trends, Scientologists, Mormons, Jehovah’s Witnesses, Freemasons, ultraconservatives and compiracy theorists of all kinds, children’s encyclopedias, and medical books[142] ». Dans la collection exposée, ces croyances mises sur le même pied acquièrent « an equal coefficient of ontological dignity[143] ».

Musées d’artistes

À la cinquième documenta de Cassel, en 1972, fleurirent les musées d’artistes. Celui de Marcel Broodthaers, initié dès 1968, était une parodie de musée, ironisant sur le Pouvoir (y compris celui du musée), par accumulation d’aigles héraldiques. Le Mouse Museum de Claes Oldenburg sera, lui, reconstruit en 1979, après que certains objets en auront été détachés pour constituer la Ray Gun Wing[144]. Les deux collections mêlent objets fabriqués par l’artiste, objets achetés (unaltered) et objets trouvés (altered). Celle de « n’importe quoi ayant la vague forme d’un fusil à rayon laser » remonte à 1960. Celle constituant l’univers de la souris a grossi après la visite que fit l’artiste à Valmor Products Co, une firme de vente par correspondance.

Le Département des aigles, comme le Mouse Museum précèdent toute une série de simulacres muséographiques apparus à leur suite, tantôt au service de la déconstruction institutionnelle, tantôt seulement pour faire œuvre, tantôt les deux mêlés. On se référera en la matière à diverses compilations[145]. Elles comportent peu d’inventeurs de collections, car le musée et la collection comme forme, comme art[146], comme mythologie individuelle ou entreprise critique, ne supposent pas forcément l’acte de collectionner réellement et encore moins l’invention en matière de collection. Il est symptomatique par exemple que les commentateurs du Musée d’art moderne de Broodthaers ne disent rien, en général, de la façon dont il constitua la collection de la section Der Adler von Oligozän bis heute[147], comme si la réalité de la collection ne leur importait pas.

Pour son Schubladenmuseum, Herbert Distel avait rassemblé des dessins d’autres artistes. Ce Museum of Drawers tenait dans une armoire pour fil à coudre comportant 20 tiroirs de 25 compartiments de 43 x 57 x 48 mm, soit 500 minuscules cases destinées chacune à recevoir une œuvre originale[148]. Sa miniaturisation reprenait le parti pris de la Boîte en valise de Marcel Duchamp qui figurait aussi dans la section.

Au sortir de cette documenta V, Harald Szeemann, qui en avait été le chef d’orchestre, élabora son projet d’un Museum der Obsessionen, un concept destiné à orienter son activité de commissaire désormais itinérant. La première manifestation de ce projet subjectif fut Großevater – Ein Pionier wie wir, une exposition sur son grand-père, immigré hongrois, patriote suisse, maître-coiffeur et perruquier à succès, inventeur du peigne à teindre Vira, de l’ondulateur Perfect, de la crème Darling, de la lotion Portugal et du colorant Beloxyd. L’exposition, réalisée à partir des meubles, des objets et des archives conservées au sein de sa famille, ouvrit dans l’appartement même que Szeemann venait d’abandonner. Elle a été reconstituée dans les mêmes lieux, cet été, dans le cadre de l’hommage de la Kunsthalle de Berne au plus célèbre de ses ex-directeurs[149]. Elle se nourrissait entre autres des restes des collections du grand-père : documents relatifs à sa profession, timbres, gravures, médailles, cartes de membres d’associations de tir, actions minières, monnaies… Dans la dernière maison que ce dernier occupa, trois pièces étaient consacrées à ses collections, et c’est autant en pensant à cette maison du souvenir qu’aux musées d’artistes de la documenta V que son petit-fils mit en scène Großevater – Ein Pionier wie wir[150]. Il avait aussi créé une entreprise fictive, die Agentur für geistige Gastarbeit, pour gérer ses affaires de commissaire offrant ses services (on parlerait aujourd’hui d’agence curatoriale). Comme Alfred Jarry, il était convaincu que l’imaginaire (la science) doit s’administrer. (Il avait découvert le Collège de ’Pataphysique à Paris, en 1956[151].)

’Pataphysique

Dans l’exposition de Mathey, la collection de sables en bouteilles témoignait sans doute des voyages de Marie Annick Tiné. C’était de la ’Pataphysique de M. Jourdain. La Pharmacie bretonne[152], collection d’eaux de sources miraculeuses constituée par Daniel Spoerri – qu’une telle farce faisait beaucoup rire –, est plus affranchie. Cet habitué des marchés aux puces arriva un jour à Chalon-sur-Saône, alors que nous organisions un mémorable festival Eat Art, avec une collection de gadgets à œufs qu’il nous fit fixer sur deux panneaux articulés par une charnière, ce qui ne servait à rien puisque lesdits gadgets interdisaient aux panneaux de se refermer ! Je crois qu’il avait retenu ce genre d’objets en raison de leur stupidité. Son regard pataphysique ressemblait à celui que les Régents avaient jeté sur les inventions du Concours Lépine. Proche du Collège, du moins en esprit, il m’apporta aussi une copie de l’étude sur les marques du Pro-Administrateur Raymond Fleury, résultat d’un patient dépouillement des années 1890 à 1903 du bulletin de l’Office National de la Propriété Industrielle[153]. On y dressait par exemple la liste des dénominations religieuses déposées par trois fabricants lillois de fil à coudre, fruits de leurs imaginations concurrentes : « Fil au Pater, Fil au Sanctuaire, Fil au Petit Jésus, Fil à la Résurrection, Fil au Credo », etc., en tout une collection de près d’une centaine de dénominations.

Spoerri collectionne pour faire des collections : il y a eu la collection d’épices[154], celle de lunettes[155], d’ustensiles de cuisine[156], d’embauchoirs, de pièges à rats[157] ou encore d’épluche-légumes[158].

Les inventaires de marques, d’eaux miraculeuses, ou même le classement des fers à chaussure évoqué plus haut, par leur caractère résolument imperturbable, illustrent parfaitement que « la science est une question administrative ».

Il faut donc répertorier, classer, l’ordre alphabétique illustrant par excellence tout l’arbitraire administratif du classement. Mais d’autres systèmes tout aussi absurdes peuvent présider à des réunions insolites. Le 14 avril 1978, Daniel Spoerri organisa à Cologne un Hommage à Karl Marx (le directeur de l’Académie des beaux-arts), un dîner dont les convives étaient des homonymes de célébrités. Nous réitérâmes ce genre de collection éphémère et pour le moins désopilante le 6 mars 1980, à Chalon-sur-Saône, après avoir dépouillé les annuaires téléphoniques de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire. Prirent place autour des tables : « M. & Mme André Derain, M. Watteau, M. & Mme Claude Monnet, M. & Mme David, Mme Gauguin, Mlle Bonnard, M. & Mme Breton, M. Exbrayat, M. Colette, M. Boileau, Mme Bossuet, M. & Mme Rousseau, M. & Mme Jung, M. Bizet, M. & Mme Chopin, M. & Mme Daniel Gelin, M. & Mme Planchon, M., Mme & Mlle Chaplin, Mme Madeleine Renaud, M. et Mme André Michelin, M. Vaucanson, M. Jacquard, M. et Mme Niépce, Mlle Javel, M. et Mme Mermoz ».

En matière de patronyme, Bertrand Lavier se concentra quatre ans plus tard sur le plus répandu en France, celui de « Martin », lequel était porté alors par le directeur de la Kunsthalle de Berne qui l’avait invité à y faire une exposition[159]. Purent ainsi se côtoyer sur les mêmes murs des œuvres de : « Adèle M¥, Agnes M¥, Alfred M¥, André M¥, Antoine-Marius M¥, Baptistin M¥, Bill M¥, deux Charles M¥, Élias M¥, Émile-David M¥, Ernst Peter M¥, Étienne M¥, Eugène M¥, Fletcher M¥, François M¥, François Jacques M¥, Hanna Maria M¥, Heidy M¥, Henri M¥, deux Jacques M¥, Jacques-François II M¥, Jean Baptiste M¥ dit Bataille, Jean Loup M¥, Jean-Marie M¥, John M¥, Kenneth M¥, Marie-Hélène M¥, Michael Craig-M¥, deux Paul M¥, Paul-Louis M¥ dit Des Amoignes, Philipp M¥, Pierre M¥, Pierre Denis M¥ dit le Jeune, René M¥, Ron M¥, Suzanne M¥ et Térèse M¥ ». Exposition dans l’exposition, une nouvelle version fut incluse dans Voilà, le monde dans la tête, en 2000[160]. On perdit au passage Adèle, Baptistin, Bill, les deux Charles, Élias, Émile-David, Fletcher, Heidy, l’un des deux Jacques, Jacques-François II, Jean Baptiste, Jean-Loup, John, Pierre Denis,  et Thérèse. Mais on eut en sus : Adolf, Al, Alicia, Barry, Bernhard, Blanche, Claude-René, Christophe, Cyrille, Étienne-Pilippe, Francisque, Geneviève, Hélène, Henri-André, Isabelle, Jacques-Henry, Jason, Jean, Jean Martin-Roch, Jean-Joseph, Laure, Marcel, Marie, Marie-France & Patricia, Maurice, Michel, Olive, Raymond, Robert, Stéphane, Tony, Wilhelm et Younghee Choi.

Une exposition est ainsi comme une table pliante sur laquelle on réunit momentanément des objets qui seront dispersés ensuite, une fois la table repliée. Beaucoup d’autres systèmes ont été testés pour constituer arbitrairement de telles collections éphémères.

Listes

Collection rime avec liste ou inventaire. En 2003, fut érigé à Bourgoin, en hommage à Frédéric Dard, un Objet Dard  : une stèle de granit vert d’Afrique du Sud sur laquelle Bertrand Lavier avait fait graver à la peinture rose les 174 titres de la série des San-Antonio, précédés de leur date et alignés sur cinq colonnes : « Réglez-lui son compte ! / Laissez tomber la fille / Les souris ont la peau tendre / Mes hommages à la donzelle / Du plomb dans les tripes / Des dragées sans baptême / Des clientes pour la morgue / Descendez-le à la prochaine / Passez-moi la Joconde / Sérénade pour une souris défunte / Rue des Macchabées / Bas les pattes ! / Deuil express / J’ai bien l’honneur de vous buter / C’est mort et ça ne sait pas / Messieurs les hommes / Du mouron à se faire / Le fil à couper le beurre / Fais gaffe à tes os / À tue… et à toi / Ça tourne au vinaigre / Les doigts dans le nez / Au suivant de ces messieurs / Des gueules d’enterrement / Les anges se font plumer / La tombola des voyous / J’ai peur des mouches / Le secret de Polichinelle / Du poulet au menu / Tu vas trinquer San-Antonio / En long, en large et en travers / La vérité en salade / Prenez-en de la graine / On t’enverra du monde / San-Antonio met le paquet / Entre la vie et la morgue / Tout le plaisir est pour moi / Du sirop pour les guêpes / Du brut pour les brutes / J’suis comme ça / San-Antonio renvoie la balle / Berceuse pour Bérurier / Ne mangez pas la consigne / La fin des haricots / Y a bon, San-Antonio / De « A » jusqu’à « Z » / San-Antonio chez les Mac / Fleur de nave vinaigrette / Ménage tes méninges / Le loup habillé en grand-mère / San-Antonio chez les « gones » / San-Antonio polka / En peignant la girafe / Le coup du père François / Le gala des emplumés / Votez Bérurier / Bérurier au sérail / La rate au court-bouillon / Vas-y Béru ! / Tango chinetoque / Salut, mon pope ! / Mange et tais-toi / Faut être logique / Y a de l’action ! / Béru contre San-Antonio / L’archipel des malotrus / Zéro pour la question / Bravo, docteur Béru / Viva Bertaga ! / Un éléphant ça trompe / Faut-il vous l’envelopper ? / En avant la moujik / Ma langue au Chah / Ça mange pas de pain / N’en jetez plus ! / Moi, vous me connaissez ? / Emballage cadeau / Appelez-moi chérie / T’es beau, tu sais ! / Ça ne s’invente pas / J’ai essayé : on peut ! / Un os dans la noce / Les prédictions de Nostrabérus / Mets ton doigt où j’ai mon doigt / Si, signore / Maman, les petits bateaux / La vie privée de Walter Klozett / Dis bonjour à la dame / Certaines l’aiment chauve / Concerto pour porte-jarretelles / Sucette boulevard / Remets ton slip, gondolier / Chérie, passe-moi tes microbes ! / Une banane dans l’oreille / Hue, dada ! / Vol au-dessus d’un lit de cocu / Si ma tante en avait / Fais-moi des choses / Viens avec ton cierge / Mon culte sur la commode / Tire-m’en deux, c’est pour offrir / À prendre ou à lécher / Baise-ball à la Baule / Meurs pas, on a du monde / Tarte à la crème story / On liquide et on s’en va / Champagne pour tout le monde / La pute enchantée / Bouge ton pied que je voie la mer / L’année de la moule / Du bois dont on fait les pipes / Va donc m’attendre chez Plumeau / Morpions circus / Remouille-moi la compresse / Si maman me voyait ! / Des gonzesses comme s’il en pleuvait / Les deux oreilles et la queue / Pleins feux sur le tutu / Laissez pousser les asperges / Poison d’avril ou la vie sexuelle de Lili Pute / Bacchanale chez la mère Tatzi / Dégustez, gourmandes / Plein les moustaches / Après vous s’il en reste, monsieur le Président / Chauds, les lapins ! / Alice au pays des merguez / Fais pas dans le porno / La fête des paires / Le casse de l’oncle Tom / Bons baisers où tu sais / Le Trouillomètre à zéro / Circulez ! Y a rien à voir / Galantine de volaille pour dames frivoles / Les morues se dessalent / Ça baigne dans le béton / Baisse la pression, tu me les gonfles ! / Renifle, c’est de la vraie / Le cri du morpion / Papa, achète-moi une pute / Ma cavale au Canada / Valsez, pouffiasses / Tarte aux poils sur commande / Cocottes-minute / Princesse patte-en-l’air / Au bal des rombières / Buffalo-Bide / Bosphore et fais reluire / Les cochons sont lâchés / Le hareng perd ses plumes / Têtes et sacs de nœud / Le silence des homards / Y en avait dans les pâtes / Al Capote / Faites chauffer la colle / La matrone des sleepinges / Foiridon à Morbac City / Allez donc faire ça plus loin / Aux frais de la princesse / Sauce tomate sur canapé / Mesdames vous aimez « ça » / Maman, la dame fait rien qu’à me faire des choses / Les huîtres me font bâiller / Turlute gratos les jours fériés / Les eunuques ne sont jamais chauves / Le pétomane ne répond plus / T’assieds pas sur le compte-gouttes / De l’antigel dans le calbute / La queue en trompette / Grimpe-la en danseuse / Ne soldez pas grand-mère, elle brosse encore / Du sable dans la vaseline / Ceci est bien une pipe / Trempe ton pain dans la soupe / Lâche-le, il tiendra tout seul / Céréales killer ».

Antoinette Chatel, citée plus haut, outre les emballages et matériaux divers, conservait des listes manuscrites de toutes sortes, chacune en plusieurs exemplaires, recopiées sur des cartes Bristol ou dans des carnets : adresses et téléphones de la famille et des connaissances, dates de naissance des neveux et petits-neveux, listes généalogiques, listes de fêtes à souhaiter, listes de courses à faire, listes des lieux visités durant les vacances estivales, listes des promenades dominicales avec le menu des repas, relevés journaliers météorologiques, liste des hameaux de la commune d’Entremont-le-Vieux, listes de noms de fleurs, d’arbres, d’arbustes, de plantes médicinales, listes de noms de fromages, listes de livres possédés, liste des colorants dangereux et suspects, listes des calories contenues dans les aliments, listes des présidents de la République, liste du personnel de l’usine de chaussure où elle travaillait, listes numérotées des boîtes et sacs plastique de son placard à pharmacie…

Récemment, à la suite de la Vertigine della lista, d’Umberto Eco[161], deux compilations, respectivement de Liza Kirwin[162] et de Shaun Usher[163], ont tenté de nous faire rêver avec plus ou moins de bonheur sur leurs collections de listes.

Archives

Les archives sont à la mode[164].

Harald Szeemann concrétisa son Musée des Obsessions exposition après exposition. Pour chaque projet, il constituait des dossiers en amont et en aval ; il conservait tout : correspondance avec les artistes, curateurs et universitaires avec lesquels il entrait en relation, tracts, cartons d’invitation et autres éphémères, imprimés, dessins, plans, agendas, vidéos et photographies, qui finirent par former de monumentales archives couvrant toute son activité de la fin des années 1950 jusqu’à sa mort en 2005. Elles comportaient également des publications et catalogues, des livres d’artistes, des éditions limitées, aussi bien que des ensembles particuliers sur des thèmes comme l’anarchisme, la science fiction ou la ’Pataphysique. En 1988, elles élurent domicile dans la Fabbrica Rosa[165], une ancienne manufacture de montres de Maggia, dans le Tessin (à deux pas de Locarno). La partie relative à l’exposition de 1978 sur le Monte Verità a été acquise en 2007 par la fondation éponyme, à Ascona ; quant aux 95 % restants, ils sont partis en 2011 au Getty Institute Research, sur la colline de Brentwood : en tout, un linéaire de près de mille mètres.

Gilbert & George acquirent en 1974 la maison qu’ils habitaient déjà étudiants. Les collections l’envahirent : meubles, vases, tapis, livres. Et surtout une incroyable archive de photographies, le plus souvent en rapport avec leur centres d’intérêt : images de sperme, d’urine, de merde, de sueur, pièces de monnaies, chewing-gums, crachats, graffiti, ciels urbains, crottes de pigeon, ivrognes, etc., le tout dans des boîtes étiquetée avec la date et le sujet : « On peut les empiler pendant des années. Au fur et à mesure que nous avançons dans la vie et que les années passent, les boîtes s’accumulent. C’est une manière très concrète de ranger les choses[166]. »

Data autographes

« Collection », selon l’usage commun, renvoie à un contenu allographe. On collectionne par acquisition. Cependant, il est des ensembles d’œuvres autographes qui, par leur masse unitaire, leur nombre, leur présentation en série, forment de véritables collections dès l’origine et avant tout transfert de propriété.

Une étude récente sur André des Gachons[167], peintre et imagier symboliste, ne dit rien de son incroyable collection « météorologique », rien des quelque 70 000 vues du ciel qu’il aurait peintes entre 1913 et 1951. Installé à La Chaussée-sur-Marne, pendant la première guerre mondiale, observateur bénévole du Bureau central de la météorologie, chaque jour et à heures régulières il peint le ciel à l’aquarelle ou au crayon pastel, fait des observations météorologiques, et monte l’ensemble sur des planches envoyées à Paris (il en aurait réalisées 9 600). Chacune comporte la date et l’heure, l’orientation de la prise de vue, les relevés du baromètre et de l’hygromètre, le schéma des nébulosités et une ou deux petites peintures. 158 planches de ces années de guerre sont conservées à la médiathèque de Météo-France[168].

On peut trouver dans l’histoire de l’art beaucoup de collections dormantes que la circonstance d’une rétrospective permet parfois de réunir en partie : Gueux de Jacques Callot, autoportraits de Courbet ou de Jacques Fournel, affiches de Toulouse-Lautrec, Compressions de César, photographies de Marcel Broodthaers sur le Limbourg du Sud, etc. Les ensembles de cette sorte sont pléthore…

Aux représentations picturales formant séries, la photographie a substitué la collection de prises de vues. Eugène Atget, à travers son œuvre documentaire, s’est attaché à « collectionner le vieux Paris ». Il a commencé son entreprise systématique vers 1897. Il a fini par classer et numéroter ses 7 000 négatifs en cinq grandes séries : Paysages-Documents, Art dans le vieux Paris, Art dans les environs, Paris pittoresque, Topographie du vieux Paris. Ces séries elles-mêmes sont divisées en sous-séries, classées dans des albums de référence[169]. Il en a également tiré pour la vente des albums plus soignés ou des recueils non reliés : Enseignes et vieilles boutiques (1899-1902), La voiture à Paris (1910), Intérieurs parisiens, début du XXe siècle, artistiques, pittoresques et bourgeois (1910), Documents pour l’histoire du vieux Paris. Maisons historiques ou curieuses, anciens hôtels, vieilles rues, coins pittoresques (1911), Les Zoniers (1913), Paris, Fortifications (1913), L’art dans le vieux Paris (n.d.)[170]. « Sur le modèle de l’archéologie, Atget choisit ses objets de collection, les conserve au moyen de la reproduction et les classe selon une typologie qui lui est propre. L’accumulation recoupe et croise chez lui la typologie que le système des séries révèle. Au-delà de la simple évidence pratique, il constitue – tel un historien archéologue – un corpus organisé, que l’œuvre soit conditionnée ou non par un catalogue[171]. »

Les plans rapprochés de végétaux de Karl Blossfelt[172], les piles et accumulations de la culture industrielle vues par Albert Renger-Patzsch[173], les portraits d’August Sander[174], etc., les exemples ne manquent pas ; on peut trouver des collections autographes au sein de maintes œuvres photographiques…

Petits livres

Edward Ruscha publie en une dizaine d’années toute une série de petits livres sur des sujets banals : Twentysix Gasoline Stations (1963), Various Small Fires et Various Small Fires and Milk (1964), Some Los Angeles Apartments (1965), Every Building on the Sunset Strip (1966), Thirtyfour Parking Lots (1967), Business Cards et Nine Swimming Pools and a Broken Glass (1968), Real Estate Opportunities et Babycakes (1970), A Few Palm Trees, Records et Dutch Details (1971), Colored People (1972). Chaque fois, il fait du petit livre offset, le lieu de manifestation d’une collection de prises de vues.

Les Albums-collections d’Annette Messager – elle en a réalisés plus d’une soixantaine – étaient également dans l’exposition de Mathey. En mêlant coupures de presse ou de romans photos, dessins et annotations manuscrites, ils construisent l’image d’une artiste, collectionneuse des clichés qui l’affublent en tant que femme. De 1972 à 1974 se succèdent : Le mariage de Mlle Annette Messager, Les hommes que j’aime, Les enfants aux yeux rayés, Mes croquis d’oiseaux, Mes dessins d’enfant, Tout sur mon enfant, Mes travaux d’aiguille, Les approches, Mon livre de cuisine, Les hommes que je n’aime pas, Les hommes-femmes et les femmes-hommes, Mes dépenses quotidiennes pendant un mois, Avant-après, Les voyages 1re partie, Les voyages 2e partie, Mon médical pratique, Mes propositions de bonheur, Les tortures volontaires, Mon avenir par l’horoscope, Ma collection de châteaux, Les maisons à visiter, Mes enveloppes manuscrites, Comment mes amis me dessineraient, Ma meilleure signature, Mes jalousies, Dessins de femme trouvés le 14 juin, Tout sur Messagier, Les moyens de protection, Annette Messager pendant neuf mois, Ma collection de bagues, La vie pratique, La mode, J’apprends le dessin, Mes tissus, Les qualificatifs donnés aux femmes, Mes dessins secrets, Les demandes d’emploi, Mes clichés témoins, Ma vie illustrée, Les grandes énigmes du monde, Mes informations sur les voitures, Mon guide du tricot, Ma collection de champignons, Pour mon visage, Mon guide des fleurs, des plantes, des fruits, Les femmes que j’admire, Petite pratique magique quotidienne, Mes carnets de voyage, Mes exercices philosophiques, Les animaux du monde entier, Mes papiers des oranges mangées, Mes hommes de protection, Le carnet du jour, Tout sur les coquillages, Tout sur les pierres précieuses, La semaine prochaine[176].

Le 8e album, Les approches, qui rassemblait des vues de braguettes, s’inscrit aussi dans le genre esquissé par Ruscha : celui du découpage sélectif dans le continuum d’un lot d’images, aux fins de produire une focale inédite, d’inventer un sujet inaperçu jusque-là.

En matière de petits livres offset et de prélèvement laconique, Hans Peter Feldmann prenait la relève, avec ses albums gris n’enfermant que quelques Bilder, comme les 12 avions dans le ciel (1968), les 11 genoux de filles (1969) ou les 3 chaises (1972). Collectionneur invétéré, Feldmann ouvre en 1975 un magasin à Düsseldorf, dans la vieille ville[177], centré sur des technologies anciennes, des instruments de navigation, des appareils photo, des outils de géomètre, de vieux jouets en métal. Au cours des années 1980, il ajoute des objets souvenirs, beaucoup d’articles introuvables ailleurs. Parallèlement, il anime une plateforme de vente de dés à coudre par correspondance, avec une publication afférente – non sans s’éloigner du milieu de l’art. Invité à des expositions, il prélève dans son magasin des objets qui le réintégreront ensuite. (C’est ce magasin qui a été soigneusement vidé et reconstitué au Lenbachhaus, de Munich, en 2015[178].) Quand il fait un catalogue, c’est un Album[179] d’images, ou bien il l’intitule tout simplement Catalogue[180], un catalogue de collections, la collection de ses collections. Pour la chambre d’hôtel de Hans Ulrich Obrist[181], il présente une sélection dans une valise sur le lit. En 2007, il déploie une Wunderkammer[182] dans trois vitrines – sur les traces d’un Christian Boltanski qui avait lancé le revival de ce meuble présentoir dans sa tournée des petits musées, en 1973.

Diaporamas

À partir de 1952 et jusqu’à sa mort en 1967, Ad Reinhardt voyagea aux quatre coins du monde en prenant des photographies (quelque 12 000) avec un Leica 35 mm. Après un premier voyage en Europe en 1952, il fut en Espagne et Grèce, à Amsterdam, Londres, Paris, Glasgow, Rome, Munich et Nuremberg, en 1953 ; en 1958, il entreprit un tour du monde, visitant l’Inde, le Japon, l’Iran, l’Iraq et l’Égypte ; après un second voyage à Paris et en Europe en 1960, il visita la Turquie, la Syrie et la Jordanie en 1961, Mexico et le Yucatan en 1962[183]… Il prenait aussi des images dans les musées ou en copiait dans les magazines. Ses diapositives étaient conservées dans 56 boîtes métalliques et plastiques. Il les projetait en les classant formellement, au cours de séances dans son appartement, chez des amis, ou dans le cadre de son enseignement au Hunter College ou au Brooklyn College. En 1958, à l’Artists’ Club, il donna An Evening of Slides : The Moslem World and India, au cours duquel il projeta quelque 2 000 diapositives. Il traquait les images avec rigueur : aucun fragment de ruine, aucun bout de parchemin ne lui échappait. Le résultat était « A series of unexpected images rhyming shared features found in famous artwork and landmarks with brick walls, windmills, fire hydrants and skyscrapers, from Oregon to Asia[184] ». Reinhardt désignait ses diaporamas comme des non happenings.

Depuis 2011, Pierre Leguillon en a donné plusieurs remakes titrés Non-Happening after Ad Reinhardt, avec 350 diapositives en provenance de la Ad Reinhardt Foundation[185]. Lui-même, depuis 1993, a présenté près d’une cinquantaine de diaporamas. Au départ, il se faisait le reporter des expositions qu’il avait visitées et aimées, et projetait les diapositives de ses voyages et visites à l’aide de projecteurs à panier latéral. La projection égrainait les artistes ou les lieux un par un. Le conférencier meublait le temps des images par un discours ininterrompu, mais à partir de 1999, il se taira. À ces images de voyages s’ajoutaient celles prises dans les bibliothèques, les revues ou dans son propre fonds. Ces voyages au pays des images fonctionnent avec tout un système de renvois et d’enchaînements par sauts ou rapprochements. Le diaporama PLV, en 2003, comportait « 430 cartes postales, 7 tirages originaux, 11 photos d’exploitation, une phrase d’Italo Calvino ; et Fred Astair, Hyppolyte Bayard, C-3PO, Saint Corentin, Jane Fonda, Laurent Le Magnifique, Bob Morris, Yvonne Rainer, The Supremes ; Le Scribe accroupi, Le Baiser de Brancusi, Le chapeau de Jules Verne, le fusil de Marey, etc. »

Il est à noter que les diaporamas de Leguillon se développent au moment même où les expressions Pictorial Turn et Ikonische Wendung sont élaborées par deux historiens de l’art – la première, en 1992, par William J. T. Mitchell à l’université de Chicago, la seconde, en 1994, par Gottfried Bœhm, à l’université de Bâle –, qui reconnaissent ainsi le rôle majeur de l’image dans l’accès au savoir.

Accumulations iconographiques

De 1886 à sa mort en 1911, Jules Maciet a constitué près de 4 000 albums d’images destinés la bibliothèque de l’Union centrale des arts décoratifs. Il y collait sur de grandes pages (39 x 50,5 cm) des dessins, des gravures ou des éphémères qu’il avait collectés, ou encore des images qu’il avait découpées dans des journaux. Sa quête iconographique visait à fournir des modèles aux artisans et autres corps de métiers qui en recherchaient, et à compléter ainsi ce qui se trouvait déjà dans la bibliothèque de l’UCAD. On rencontre parmi ces planches, parfois annotées de sa main, « aussi bien des dessins à la plume ou au crayon que des gouaches, des burins, des eaux-fortes, des xylographies, mais encore des photographies, des lithographies, des cartes postales, des “chromos”, des héliogravures… Les maîtres de la Renaissance y voisinent avec des étiquettes de parfumeurs, les pages de catalogue des Grands Magasins du Louvre avec Watteau, Mucha, Aubrey Beardsley […] Peu importe la nature des documents : princes ou manants, estampes originales ou publicités de journaux tirés à des centaines de mille, tous n’ont de valeur que faciale : celle de la représentation dont ils sont le support. Pionnier d’un nouveau culte des images, Jules Maciet abolit toute hiérarchie entre ces documents. Il instaure une véritable démocratie visuelle[186]. »

L’Atlas de Gerhard Richter réunit des planches de formats divers, chacune comportant plusieurs documents : photos d’albums, images de presse, photos tirées de livres, de magazines, photos d’individus, vues d’atelier, portraits, Grande Canarie, surimpressions, autoportraits, étoiles, sphères, feu, expérimentations photographiques, prélèvements de couleurs, villes, montagnes, Hitler, Munich, paysages, New York, vues de parc, Nuremberg, Venise, nuit, arbres, bois, forêt, Dusseldorf, nuages, marines, pièces, pour ne nous en tenir qu’aux thèmes des 250 premières[187]. Beaucoup ont servi de modèles pour l’élaboration de ses peintures. Acheté par le Lenbachhaus de Munich en 1996, alors qu’il ne comportait encore que 583 planches, édité puis réédité et augmenté à plusieurs reprises, il en comporte aujourd’hui 809[188]. Il est régulièrement présenté au mur et y occupe une place conséquente. Instrument à l’origine, il est devenu une œuvre à part entière.

Au fil des ans Gilles Mahé avait accumulé un énorme stock d’images. Aux photos rapportées de son voyage aux USA, en 1972, s’étaient ajoutées celles qu’il avait éditées dans Gratuit ou rééditées dans Déjà Vu. De là naquit Capital d’essai présenté à la Villa Arson, en 1989[189]. De son stock, en y ajoutant d’autres traces de son activité antérieure, il tira 8000 copies qui furent placées chacune dans une fourre plastique et rangées dans 55 boîtes d’archives sur 7 étagères courant le long des murs de la salle que nous lui allouâmes. 6 tables, 20 chaises, 6 lampes complétaient le dispositif pour que le public consultât les dossiers. Le protocole rédigé en vue d’une acquisition prévoyait une photocopieuse permettant d’ajouter au stock primitif une « méta-production ». Aucun ordre ni principe ne présidait au rangement des images de toute nature. Le propos n’était pas de faire une analyse des images, une iconologie. L’accent portait sur leur nombre et sur cette égalité démocratique déjà entrevue par Jules Maciet.

Iconographes

En constituant sa bibliothèque, Warburg poursuivait aussi une recherche iconographique. Son Bilderatlas Mnemosyne a été reconstitué par le ZKM[190] et les planches éditées[191]. Revisité, étudié, élevé au statut de modèle, il jouit aujourd’hui d’une aura telle qu’il suscite même des expositions en écho[192]. La dernière version comportait 971 photographies distribuées en 63 planches. Celles-ci se sont d’abord développées en lien avec des conférences et comme supports de ces dernières. Un dispositif qui transposait en histoire de l’art l’activité du colporteur d’images dont la collection, contenue dans sa hotte de bois, était aussi le support de récits ou de chants, baguette de monstration en main. Le choix et la disposition des photos sur les planches obéissait au même principe associatif qui présidait au classement de sa bibliothèque. Sur la planche 77, par exemple, voisinent : Médée et les Massacres de Scio de Delacroix, des monnaies de Syracuse, une coupure de presse relative à une compétition de golf, un timbre La Semeuse, une publicité pour Matt-Creme, une autre pour une compagnie transatlantique, le monument de Hindenburg à Heligoland, Charles II en Neptune sur un sceau royal, deux dessins de La reine Victoria sur son char en coquillage.

L’un des disciples de Warburg voudra passer de l’iconographie à l’iconologie. Il n’y a pourtant pas de science telle sans une collection préalable d’images, pas plus qu’il n’y a d’ethnologie sans ethnographie. En la matière, les rédacteurs de manuels d’histoire de l’art, les collectionneurs de gravures, les Champfleury, Maciet, Grand-Carteret ou Fuchs ont joué un rôle considérable.

Le Freistilmuseum fut créé en 1978 à Zofingen en Suisse, à l’initiative de Christoph Gossweiler, Hans Ruedi Steiner et Michael Stuker. Ce musée se manifeste à l’occasion de participations à des expositions, en montrant des documents trouvés qui relativisent les référents artistiques autorisés et déconstruisent l’histoire moderniste. Il consiste en collections de photographies amateurs, de coupures de presse, de modèles réduits, d’albums de philatélie, et d’objets en tout genre. Chez Christoph Gossweiler, ces collections sont en partie rangées dans des bacs Rako gris. Il tient également le registre de cet important fonds iconographique sous forme de fiches cartonnées, avec en vue la numérisation de cet index. Il s’agit de créer du réseau, d’obtenir plusieurs manières d’aboutir à la même source. Le Freistilmuseum intervient en fonction du contexte, en évitant la fétichisation des documents, les images étant souvent diminuées ou agrandies de 10 %, les photocopies ou les images numérisées imprimées étant plastifiées ou mises sous pochette plastique. L’intervention se fait par association linguistique ou visuelle. Une vieille vue aérienne du circuit d’Indianapolis fournit une forme courbe fermée convenant à une exposition sur l’abstraction[193] ; les Reversing Falls du Saint-Laurent ou le timbre rare Inverted Jenny (un avion imprimé à l’envers) convenant, eux, à une exposition sur l’ambiguité du sens dans la peinture[194]. L’action du Freistilmuseum demeure volontairement anonyme, et sa position politique peut être relayée par d’autres acteurs[195].

Les artistes iconographes se distingueraient des archivistes par leur activité de mise en relation des images selon le principe de la constellation[196]. Ils renoueraient ainsi avec le projet warburgien, mais tous les iconographes n’ont pas le même rapport à la collection.

En 1999, au sortir des Beaux-Arts, Céline Duval répondit à une offre d’emploi d’iconographe[197] et fut embauchée suite à un entretien où elle séduisit par sa façon de classer sa propre collection de cartes postales ! C’était l’époque où, pour exercer ce métier, on avait encore recours à des banques d’images diffusées par catalogue imprimé[198], dont on extrayait des Ektachromes livrés en scooter. J’ai par exemple sous les yeux le Grafica Photo Catalogue G3 G2, diffusé par Selva, daté de 1997, contenant 4 600 photos provenant de 42 agences, avec pour G3, les rubriques : « Nature, Travel Resorts, Scenery, Water Images, Four Seasons, Trees/Forest, Birds, Animals, Insects, Frogs/Snails, Underwater, People, Life, Korea, Seoul, Overseas, Sports/Leisure, Still Life, Interiors, Cuisine, Flowers of Vegetables, Industry/Science, Buildings/Roads, Business, Recreations/Fireworks, Background Images ». Ou encore le catalogue n° 28 de Image Colour Library Limited, consacré à The Beauty Photography of Stock Image, regroupant des photos de 46 photographes différents classées selon les chapitres suivants : « À visage découvert, Osez la couleur, Dans le vent, Des mains, …et des pieds, Suivez les courbes, Mise en forme, Équilibre, Au fil de l’eau, Espace fraîcheur, Au masculin, À deux, Neuf mois, Mère et enfant, À votre santé, Cuisine et vous ? » Tout un programme ! Avec la montée en puissance des images numérisées transmises par le net, ces entreprises ont mis la clé sous la porte[199].

Collectionneuse d’images, Céline Duval[200] crée en 1999 sa « petite entreprise » : documentation céline duval. De 2001 à 2009, elle édite sur abonnement la revue en 4 images, rapprochant chaque fois des images d’amateurs achetées aux puces, numérisées, recadrées et homogénéisées en noir et blanc. À partir d’une observation ténue, chaque livraison met en évidence une attitude, une circonstance, un cliché ou un élément formel récurrent. L’index reflète l’acuité de ces collections recomposées : « les sportifs, portrait d’une jeune fille, s’y croire, un couple, la jetée d’orly, le photographe, colin-maillard, le petit faune, sur un arbre perché, le miroir, l’appel du large, dimanche, joueuses fêtes, la fuite, la chaise, pique-nique, l’effeuille, l’amateur, le kangourou, le poids du monde, mathilde, le petit soldat, la traversée, bang you’re dead !, no(w)here utopia, EXIT, 08 SEPT 1984, petits feux, devenir pintor, la mouche, danielle et raymond, l’échange, 90°, le rendez-vous, l’espoir, la béquille, les émigrants, l’improbable traversée, spécial tbilisi 3, les bois, là-bas, construction, la bulle, on the road again, la projection, le tronc, les 3 coups, au bord, la bascule, portraits, la nage, la bibliothèque, l’approche, ça tourne !, l’éclat, sunglasses, la sieste, paris, yes we canne, shadows, le sillage ». En 2001-2002, elle publie sept cahiers d’images en collaboration avec Hans-Peter Feldmann. Parmi les autres recueils à base d’images extraites de ses collections, citons : tous ne deviendront pas footballeurs (2002), premiers plans et tous ne deviendront pas pilote automobile (2004), impair et manque et le temps d’un été (2005), tous ne deviendront pas artistes (2007), le marabout douchynois (2008), play back, sur un pied et sport de vie (2010), l’eau vive et attractions (2013), guerre paix, la stratigraphie des images et jeux de rôle. l’album de jeanne (2014). Pour cœur, point, ligne sur plan (2013), elle a pioché dans les images de famille du fonds Kandinsky et, comme un retour aux sources, l’Île aux images[201], en 2013, a été réalisée à partir du fonds Jules Maciet.

De 1994 à 2005, Peter Piller[202] a gagné sa vie dans une grande agence de media de Hambourg où il suivait et archivait environ 150 journaux régionaux. De là, naît une typologie des images récoltées – « bauerwartungsflächen, ortsbesichtigung, durchschnittene einweihungbänder, erster spatenstich, videostills der geldkartenbetrüger, vandalismus, in reihe stehende menschen, regionales leuchten, brände, pfeil, tatwerkzeuge, tanz vor logo, mensch und feuer, sammlung tod, stop, unfallwagen, schießende mädchen, tatwaffen, in löcher blicken, unkenntliche gesichter, diebesgut / zoll, tatorthäuser, rekordernte, wurstkontrolle, mensch und tier, geehrte, menschen vor haus, hunde, wilder müll, vandalismus zeigen, bombenentschärfer, pokale, innenräume, geld zeigen, protestformen, hochwasser, sammlung humor, 1-100-jährige, bedeutungsflächen, überschattete aufnahmen, auto berühren, fotografenauto, suchende polizisten, ungeklärte fälle, eis essende mädchen » –, ainsi que Zeitung[203], une compilation a posteriori de 2 000 de ces images. Il acquiert en 2002 un fonds de 12 000 photos aériennes de maisons et complète le tout avec des cartes postales et des photos prises sur Internet… Reclassées, réagencées, ces images donnent lieu à des arrangements muraux ou à des publications, comme Nachkriegsordnung[204] (photographies de la guerre en Irak vues par la presse allemande ) ou Irrläufer[205] (le verso des images de presse d’un festival de Graz).

La mise en constellation sous-tendait déjà l’organisation des diaporamas de Pierre Leguillon. Les Promesses de l’écran qui se développent à partir de 2007 consistent en des projections d’extraits de films sélectionnés autour d’un thème, en collaboration parfois avec des invités. Il s’agit, dit Leguillon, de « trouver des modes d’organisation et de lecture (par analogie, montage, séquences) qui interrogent la société d’aujourd’hui ». Parmi les thèmes abordés : La Grande Nuit de la mouche, Effets d’annonce, Josef Albers, La Promesse du divan, Nouveaux Medias, mon œil, La Promesse de l’architecture, La Promesse du comptoir, Manuel de photographie

Ayant remarqué que le principal mode d’existence des photographies de Diane Arbus avait été leur publication dans des magazines, il les réunit et en fait, en 2008, une exposition itinérante[206], façon de relativiser l’habitus culturel de la photo encadrée, de critiquer la marchandisation de l’art, mais aussi de relancer les questions de genre et de race présentes dans ces photographies.

Bill Bernbach & Beyond[207], montré en octobre 2010 au Mamco à Genève, rassemble les publicités réalisées sous la direction de Bill Bernbach au sein de l’agence DDB, pour la coccinelle de Volkswagen. Chaque publicité se double de l’envers de la page du magazine d’où elle a été extraite.

Le Musée des Erreurs a débuté comme blog en janvier 2013[208]. En 2016, au Wiels, à Bruxelles[209], La grande fresque du Musée des Erreurs sature un mur : hétéroclite, faite de méprises, de high et de low culture, « d’associations libres, formelles ou conceptuelles » et de renvois aux propres expositions et performances de l’artiste. Il y a là de nombreuses affiches d’expositions passées, une autre annonçant le Non-Happening after Ad Reinhardt au Wiels, un dessin d’enfant de l’artiste, un tablier de barman Chasse-Spleen accroché à une bouteille de bière Duvel, un t-shirt avec le « O » d’Olivier Mosset maculé de peintures par Cécile Bart, des photos de Walker Evans pour Fortune Magazine avec des plats à gâteaux allemands décorés à l’aérographe, une pochette de disque dessinée par Andy Warhol, une lithographie de Heimo Zobernig, une combinaison de peintre avec le logo du Centre Pompidou dans le dos, une photo de Richard Hamilton, une affiche contre la guerre du Vietnam, une affiche contre l’exposition 12 ans d’art contemporain en France en 1972, reprenant le fameux CRS de 1968, des affiches publicitaires (bière, cocotte-minute Seb…), un grand moule à speculoos Dandoy réalisé pour l’occasion, un catalogue de Rosemarie Trockel, deux photos de films (l’un de Jean-Luc Godard, l’autre de Nanni Moretti), quelques photos de presse, une lettre de Robert Morris contre la documenta V reproduite dans un Flash Art de l’époque, une chemise blanche avec un nœud papillon imprimé, défait, portée pour l’inauguration du Teatrino/Palermo au Centre Pompidou (2009), une blouse de travail d’employé de la Ville de Bordeaux portée pour le Diaporama Pompier à Bordeaux (2006), un exemplaire du New York Times avec une militante féministe brandissant un panneau « Male Chauvinist Be Aware », un sac en papier Kodak, deux cartons d’invitation du Secession Slideshow (2003)[210].

Au Wiels et à Sérignan[211], au-delà de cette fresque, des œuvres plus anciennes, comme Tifaifai, Rétrospective imprimée de Diane Arbus ou La Promesse de l’écran, sont considérées comme faisant aussi partie du Musée des Erreurs[212]. Celui-ci devient de la sorte un titre générique – comme le Grand Œuvre qui absorberait les autres œuvres de l’artiste dans un même projet. Les photographies récentes de son atelier-appartement de la rue des Fabriques[213] montrent une collection en devenir, insérée, intercalée dans tous les espaces domestiques, mêlée aux produits ménagers, aux vêtements, aux aliments, etc. Le Musée des Erreurs comme un projet de vie.

Numérisation

En 2011, documentation celine duval a commencé à brûler les piles de pages de magazines qu’elle collectionnait et classait depuis 1999. Il en reste les allumeuses, des vidéos où l’on voit chaque page prélevée une à une de la pile à laquelle elle appartient, puis jetée dans un feu hors champ. 60 piles – autant de thèmes – vont ainsi disparaître : hidden eyes, patch, pictures in public spaces, pictures in private spaces, carrying a picture, wearing an image, screens, tongue, grimace, V sign, finger pointing, various gesture, female masturbation, wanker, masturbation on furniture, tree trunk, s&m, jet, mirror, lesbian, kissing, photographer, chairs, pedestal, bike, spheres, hoops, ball, balloon, bubble, childhood, swing, balance, jumping, angel, light effect, horizon, swimming pool, drinking, eating, consumption, telephone, guitar, bar stick, ladder, stairs, animals, dog, panther pattern, butterfly, showing fish, from the back, eyes shut, passing by, street furniture, daily life advertised, writing, numbers, mickey. Les incinérations durent entre moins de 3 et plus de 15 min[214]. Des vidéos qui peuvent être jugées « assez exemplaires du passage au tout numérique […] comme un chant du cygne des pratiques iconographes analogiques avant la déferlante numérique[215] ».

« Révolution technique autant que phénomène social, le basculement vers l’image numérique appartient au petit nombre des mutations qui ont transformé en profondeur nos pratiques et modifié notre perception du monde[216]. » Avec la numérisation, « le rôle de l’iconographe éclipse celui du photographe, et le fichier ou la base de données deviennent des outils bien plus décisifs que l’appareil photo[217]. »

Gratuites ou payantes, les banques d’images numérisées se sont multipliées : 123 RF, 500 PX, Adobe Stock, Alamy Images, Ancestry Image, Big Foto, Bigstock, Burst, Canva, Comfight, Creativecommons Photos, Cupcake, Death to the Stock Photo, Dark Stock Photo, Designers Pics, Epicantus, Epictura, Every Stock Photo, Find a Photo, Flickr, Foodies Feed, Foter, Fotolia, Fotomelia, Free Images, Free JPG, Free Range Photo, Getrefe, Gettyimages, Good Free Photo, Gratisography, Image Nasa, ISO Republic, iStock Photo, Jay Mantri, Jeshoots, Kaboom Pics, Libre Shot, Life of Pix, Little Visuals, Lost and Taken, Magdeleine, MMT, Morguefile, Moveast, New Old Stock, Pexels, Photl, Photober, Photo Bucket Listly, Photo Everywhere, Photo Stock Editor, Pic Jumbo, Picography, Pixabay, Public Domain Archives, Raumrot, Reshot, Re:Splashed, RGB Stock, Shutterstock, Skitter Photo, Smithsonian Institution, Splash Base, SplitShire, Startup Stock Photos, Stock Photos io, Stock Pic, Stock Snap, Stocksy, Stockvault, Street Will, Superfamous, Travel Coffee Book, Unsplash, Visual Hunt, Wefunction, Wikimedia Commons, pour ne citer que celles qui sont le plus souvent citées !

En 1988, le « copiste néo-platonicien », David Boeno se mit à photographier des citations transcrites en lettres lumineuses sur l’écran d’un Minitel. (Lancé en 1982, cette spécialité française fut populairement utilisée jusque dans les années 2000.) En 1998, des textes, des schémas, des croquis, des emblèmes, des images copiées de toute sorte sont organisées comme sur un site Internet et distribuées sous forme de CD. Aujourd’hui, Le Site[218] est tout simplement « en ligne ». Il s’est accru en documents, en liens permettant d’y circuler et en modes d’accès (il intègre une fonction de recherche). Les images et les textes collectionnés se rassemblent en séries : les étoiles à cinq branches, les pentagrammes, les polyèdres, les coniques, les quatre éléments, les thèmes de la lumière, du sang, de l’eau, etc. Ils s’organisent autour de personnages : Homère, Euclide, Kepler, etc. Ils s’indexent en plus d’une dizaine de langues. Ils ont été puisés aux meilleures sources documentaires. Les bibliothèques les plus prestigieuses ont été sollicitées, les plus anciens manuscrits recopiés ou photographiés. Ces documents n’ont subi aucune manipulation autre que l’épreuve du scanner et de la numérisation ; les principaux modes d’être qui leur sont imposés sont ceux de l’ostension et de la juxtaposition. Nulle autre syntaxe ne les relie que celle qui naît de l’usage du Site et du libre parcours que le visiteur établit de l’un à l’autre[219].

Les collections d’images numérisées – potentiellement partageables sans réserve – introduisent dans la collectionnite – si souvent mue par le désir d’appropriation exclusive – une pratique nettement antinomique. Ce n’est pas la première fois cependant que « collection » rime avec « paradoxe ».

 

[À suivre…]

 

Marsannay-la-Côte, les Archives modernes, janvier-août 2018

 

 

[1] Ils collectionnent…, cat. de l’exposition (15 février-13 mai), Paris, musée des Arts décoratifs, 1974. Voir également : Brigitte Gilardet (Institut d’histoire du temps présent), « François Mathey et les collectionneurs… », HAL-SHS, archives ouvertes, 2014. <halshs-01001983>.

[2] Who’s what. Annuaire des collectionneurs, 2 vol., Paris, Stock, 1975.

[3] Commissaire-priseur, sa Vie étrange des objets (Paris, Plon) avait été en 1959 un best seller. Il publiera, un an après l’exposition de Mathey, Haute Curiosité (Paris, Laffont) et, en 1981, son livre sur les collectionneurs (Les Collectionneurs : de la curiosité, de la beauté, du goût, de la mode et de la spéculation, Paris, Ramsay).

[4] Pour une bibliographie sur le sujet, cf. archives.modernes.biz/cabinets-de-curiosites.

[5] L’Art Brut, cat. de l’exposition (7 avril-5 juin), Paris, musée des Arts décoratifs, 1967.

[6] Cette collection, complétée par leurs enfants, Philippe et Dorothée Selz, a été donnée au Museu del Joguet de Catalunya, à Figueres, venant ainsi augmenter la collection réunie par Josep Maria Joan Rosa et Pilar Casademont Sadurní. Manuel Vázquez Montalbán, lors d’une visite en 1972, qualifia ce musée de « antimuseu ». Cf. https://www.youtube.com/watch?v=0uNCApWgbcQ. Jacqueline Selz, sœur de Guy, de son côté, a donné sa propre collection, réunie avec Yvon Taillandier, au musée de Noyers-sur-Serein, en Bourgogne.

[7] collection-du-monde.com ; annu-collections.fr ; inter-collections.com ; kollectoo.com ; delcampe.net ; etc. Baudot recensait déjà plus de 700 genres de collections.

[8] http://collec.net. Le site n’est plus mis à jour.

[9] Umberto Eco, Vertigine della lista, Milan, Bompiani, 2009.

[10] La Maison d’un artiste, Paris, G. Charpentier, 1881.

[11] La Vie étrange des objets, op. cit., p. 191.

[12] Rose-Marie Herda-Mousseaux, Musée Cognac-Jay. Le goût du XVIIIe, Paris-Musées, 2018. Ernest Cognac et Louise Jaÿ sont les fondateurs de la Samaritaine.

[13] L’Époque, 1949. (Rééd. in Vagues. Une anthologie de la nouvelle muséologie, vol. 1, textes choisis et présentés par André Desvallées, Mâcon, W., 1992.)

[14] Pierre Cabanne, Guide des musées de France, Paris, Bordas, 1984. Idem, Nouveau Guide des musées de France, Paris, Larousse, 1997.

[15] Thierry Liot, La Maison de Pierre Loti à Rochefort 1850-1923, Prahecq, Patrimoines Médias, 1999.

[16] Pascal Sergent, Paris-Roubaix. Chronique d’une légende, Roubaix, Vélo-club de Roubaix, 1990 et 1991.

[17] Pascal Sergent, Paris-Roubaix. Objets de la reine des classiques, Rennes, Ouest-France, 2013.

[18] The Nativity. An International Exhibition of Folk Art Celebrating the Birth of Jesus, Nelson Gallery of Art, Kansas City, 16 novembre 1962-27 janvier 1963.

[19] « An Exhibition of Folk Art & Toys from the Girard Foundation Collection », Hemisfair 1968. World’s Fair San Antonio, 6 avril-6 octobre 1968.

[20] Jochen Eisenbrand, « The Whole World a Village : Alexander Girard and Folk Art », in Alexander Girard : A Designer’s Universe, cat. de l’exposition (12 mars 2016-29 janvier 2017), Weil-am-Rhein, Vitra Museum, 2016, p. 140 sq.

[21] Henry Glassie, The Spirit of Folk Art : The Girard Collection at the Museum of International Folk Art, New York, Harry N. Abrams, 1989.

[22] Annette Messager collectionneuse, cat. de l’exposition (25 avril-2 juin), Paris, Arc 2, Musée d’art moderne de la Ville, 1974.

[23] Conception Christian Boltanski, Bertrand Lavier, Suzanne Pagé, Béatrice Parent, Musée d’art moderne de la ville de Paris, 15 juin-29 octobre 2000. Catalogue : Paris-Musées, 2001.

[24] Gérard Collin-Thiébaut, « Projet pour un Centre de recherche européen », s.d.

[25] « Art et (b)eau à tous les étages. Au Frac ça déménage », Semaine, n° 107, Arles, septembre 2006.

[26] Didier Ottinger, « Le mur d’André Breton », site : andrebreton.fr.

[27] Gérard Wajcman, Collection, Caen, Nous, 1999.

[28] L’Intime. Le collectionneur derrière la porte, cat. de l’exposition (5 juin-26 septembre), Paris, Fage/La Maison Rouge, 2004.

[29] La Collection qui n’existait pas, documentaire cinématographique de Joachim Olender, 93 min, Bruxelles, Man’s Films Productions/CBA/RTBF, 2014. (DVD, Paris, a.p.r.e.s. éditions, 2017.) La collection a été vendue au Moma, en 2011, après avoir été montrée à Munich. Cf. Less is More. Pictures, Objects, Concepts from the Collection and Archive of Herman and Nicole Daled 1966–1978, cat. de l’exposition Weniger ist mehr. Bilder, Objecte, Konzepte aus Sammlung und Archiv von Herman und Nicole Daled. 1966-1978 (Haus der Kunst, Munich, 28 avril-25 juillet 2010), Cologne, Walter König, 2010. Les Daled ont acquis des œuvres de Daniel Buren et de Niele Toroni, dès 1969 !

[30] Dora Garcia, Film (Hôtel Wolfers), film 35 mm, n. et b., 11 min., production Hermès.

[31] L’Architecte est absent, répertoire. Works from the Collection of Annick and Anton Herbert, Eindhoven, Stedelijk Van Abbemuseum, 1984. Espai Públic/Dues Audiències. Obres i documents de la coll.lecció Herbert, Barcelone, Macba, 7 février-1er mai 2006. Time Extended / 1964 – 1978. Works and Documents from the Herbert Foundation, Gand, Herbert Foundation, 25 septembre 2016.

[32] Laurence Prod’homme, « Louis Métraille collectionneur d’affiches », in Collectionneur d’affiches, cat. de l’exposition, Rennes, Musée de Bretagne / Apogée, 1996.

[33] Albert Demard, Un homme et son terroir, préface de Georges-Henri Rivière, Paris, Joêl Cuénot, 1978.

[34] Volkskunst aus Appenzell und dem Toggenburg. Sammlung Bruno Bischofberger, Zurich, B-Press, 1973. Voir aussi : Erika Gysling-Billeter, Appenzeller Volkskunst Sammlung Bruno Bischofberger, Zurich, Silva, 1977.

[35] La Civilisation du taureau. Iconographie populaire de la fin du XVIIIe à 1956. La course libre, la corrida, cat. de l’exposition (Maison du Peuple, mai), Nîmes, École des beaux-arts, 1980. La Civilisation du taureau. Iconographie populaire de la fin du XVIIIe à 1959. 2e partie. La course libre, la corrida, cat. de l’exposition (ibidem, mai), Nîmes, association des Amis des Beaux-Arts, mai 1981.

[36] Un collectionneur au musée. Claude Viallat, collection tauromachique, cat. de l’expostion (Musée des cultures taurines, 5 mai-31 octobre), Nîmes, Musée du vieux Nîmes, 2008.

[37] Jacques Durand & Collection Henriette et Claude Viallat, Toros. La tauromachie dans l’art populaire, Marseille, Gaussen, 2010.

[38] Le Musée des Cultures Taurines, une histoire, une collection, catalogue, Nîmes, Musée du vieux Nîmes et des cultures taurines, 2014.

[39] Orhan Pamuk, Masumiyet Müzesi, Istanbul, İletişim Yayınları, 2008.

[40] Orhan Pamuk, The Innocence of Objects : The Museum of Innocence, Istanbul, New York, Alfred A. Knopf, 2012.

[41] Toute la famille avait travaillé dans des usines de tissage.

[42] Michel Thévoz, L’Art brut, Genève, Skira, 1975, p. 162.

[43] Idem, ibidem, p. 205.

[44] Hanz Prinzhorn, Bildnerei des Geisteskranken, Berlin, 1922. (Expressions de la folie, Paris, Gallimard, 1984.)

[45] Op. cit, p. 123.

[46] Pour la version romancée de cette découverte, cf. le film de John Maloof et Charlie Siskel, Finding Vivian Maier, 2013.

[47] Rita Reif, « A Recluse and His Long-Hidden Trove of Cars », The New York Times, 18 août 1996. « Alexander Kennedy Miller », Wikipedia, édition du 6 juillet 2018. Michael Frank, « The AK Miller Auction, 7-8 septembre 1996 » (https://www.coolcatcorp.com).

[48] John Lahr, Prick Up Your Ears : The Biography of Joe Orton, New York, Penguin, 1980. « Malicious Damaged : The Life and Crime of Joe Orton and Kenneth Halliwell in Islington », pdf, site : Islington Local History Center / Special Collections / Kenneth Halliwell and Joe Orton Collection.

[49] Stéphane Breitwieser, Confessions d’un voleur d’art, Paris, Anne Carrière, 2006.

[50] Vincent Noce, La Collection égoïste : la folle aventure d’un voleur d’art en série et autres histoires édifiantes, Paris, Jean-Claude Lattès, 2005.

[51] À nouveau arrêté en 2011, on retrouve à son domicile une trentaine de tableaux volés et des meubles de style, et l’on repèche dans un étang, près du domicile de sa mère, une dizaine d’objets précieux. En 2015, il repart en prison pour des vols de tee-shirt, taie d’oreiller, pantalon, robe, ceinture, DVD et livre.

[52] Nicole Gauthier, « Le voleur entre au couvent », Libération, 6 juin 2002. Idem, « Devant les juges, le voleur à la page livre ses secrets », Libération, 12 juin 2003.

[53] <https://en.wikipedia.org/wiki/Hoarders>. Hoarding : Buried Alive est une émission de téléréalité concurrente diffusée sur TLC, depuis le 14 mars 2010.

[54] Paris, Gallimard, 1985.

[55] Helen Worden Erskine, Out of this World. A Collection of Hermits and Recluses, Londres, John Lane, The Bodley Head, 1954 : chap. 1. « Hermits of Harlem (The Collyer Brothers) ». Franz Lidz, Ghosty Men : The Strange but True Story of the Collyer Brothers, New York’s Greatest Hoarders (An Urban Historical), New York, Bloomsbury, 2003.

[56] Entretien avec Serge Lebrun, mandataire judiciaire, Strasbourg, 12 juillet 2018. Les noms propres ont été changés.

[57] Le Musée sentimental, cat. de l’exposition (1er juin-31 août), Paris, Centre Georges-Pompidou, 1977.

[58] Le Musée sentimental de Cologne, cat. de l’exposition (18 mars-29 avril 1979), Cologne, Kölnischer Kunstverein, 1979.

[59] Le Musée sentimental de Prusse von Marie-Louise Plessen und Daniel Spoerri, cat. de l’exposition (16 août-15 novembre 1981), Berlin Museum, 1981.

[60] Le Musée sentimental de Bâle, cat. de l’exposition (30 septembre 1989-14 janvier 1990), Bâle, Museum für Gestaltung, 1989.

[61] Acquise également par le Fnac en 1992, et déposée au château d’Oiron.

[62] Le cabinet de M. Denon / collectionneur et lithographe, Chalon-sur-Saône, musée Denon, 2005.

[63] Oui, je sais, c’est un Pierrot !

[64] Ulrich Richard-Desaix, La relique de Molière du cabinet du baron Vivant-Denon, Paris, Vignères/Arnaud et Labat, 1880. Le reliquaire est conservé au Musée-hôtel Bertrand, collège des Capucins, à Châteauroux. Cf. Béatrice de Chancel-Bardelot, notice « Reliquaire », in Dominique-Vivant Denon. L’œil de Napoléon, cat . de l’exposition (Le Louvre, 20 octobre 1999-17 janvier 2000), Paris-Musées, 1999.

[65] Simon Elmes, « The secrets of Andy Warhol’s time capsules » (BBC News, 10 septembre 2014 : bbc.com/news/magazine-29125003), qui parle de 300 000 objets. Cf. aussi l’émission : bbc.co.uk/programmes/b04gc0pg.

[66] Interview par Mylène Silva, site : folklores.modernes.biz.

[67] Daniel Spoerri, Topographie anecdotée du hasard, Paris, galerie Lawrence, 1962.

[68] Entretien avec l’auteur, 1980.

[69] Site : museedelinsolite.com.

[70] Sur ce musée des objets encombrants, site : kulturexpo.ch/verfalldatum.

[71] The Waste Makers, New York, D. McKay Co, 1960.

[72] Cf. L’Humidité, n°10, 1972.

[73] « Cette moisson nous a permis de dresser les inventaires les plus divers ; suivant la forme, l’origine ou la qualité de l’usure, nous avons pu déterminer par exemple un portrait de l’homme d’Oc, les trois itinéraires distincts (hommes, femmes, enfants) dans la cour d’honneur du château de Versailles ; la mémoire de certains lieux […] ».

[74] Lettre à un Amateur de la Peinture avec des éclaircissements historiques sur un cabinet et les auteurs des tableaux qui le composent. Ouvrage entremêlé de Digressions sur la vie de plusieurs Peintres modernes, Dresde, George Conrad Walther, 1755. Cf. Pascal Griener, La République de l’œil. L’expérience de l’art au siècle des Lumières, Paris, Odile Jacob, 2010, p. 107-115.

[75] Un petit dossier en témoigne dans la Nouvelle Histoire de la photographie qu’il a dirigée (Paris, Bordas/Birot, 1994, p. 679-685 ; ainsi qu’un livre : Michel Frizot & Cédric de Veigy, Photo trouvée, Paris, Phaidon, 2006.

[76] Op. cit.

[77] Pour une histoire du regard. L’expérience du musée au XIXe siècle, Paris, Hazan/musée du Louvre, 2017.

[78] Roland Recht, « Avant propos » à La République de l’œil, op. cit.

[79] Françoise Levie, L’homme qui voulait classer le monde. Paul Otlet et le Mundaneum, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2006. Paul Otlet. Fondateur du Mundaneum (1868-1944). Architecte du savoir, Artisan de la paix, coordination Jacques Gillen, Mons, Mundaneum/Les Impressions Nouvelles, 2010.

[80] Henri La Fontaine. Tracé(s) d’une vie. Un prix Nobel de la Paix (1854-1943), sous la dir. de Henry Goffin, Mons, Mundaneum, 2002.

[81] Raphaèle Cornille, Stéphanie Manfroid et Valentino Manuela, Le Mundaneum. Les archives de la connaissance, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2008.

[82] Alex Wright, Cataloging the World : Paul Otlet and the Birth of the Information Age, Oxford University Press, 2014.

[83] Françoise Levie, op. cit.

[84] Salvatore Settis, « Warburg continuatus. Descrizione di una biblioteca », Quaderni storici, n° 58, 1985. Philippe-Alain Michaud, Aby Warburg et l’image en mouvement, Paris, Macula, 1998, p.225-245 : « Hambourg, la scène de l’histoire de l’art ». Georges Didi-Huberman, L’image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Warburg, Paris, Minuit, 2002, p. 41-43. Hans-Michael Schäfer, Die Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg, Berlin, Logos, 2003. Maud Hagelstein, « Mémoire et Denkraum. Réflexions épistémologiques sur la Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg », Conserveries mémorielles, n° 5, Québec, 2008.

[85] Site : warburg.libguides.com/classification.

[86] « La nouveauté de ma méthode tient en ceci que, pour rendre compte de la psychologie de la création artistique, je rassemble des documents venus du domaine de la langue aussi bien que des arts plastiques ou du monde du drame religieux. Pour y parvenir, moi et mes compagnons de recherche devons avoir devant nous les documents i.e. les livres et les images disposés sur de grandes tables afin que nous puissions les comparer, et ces livres doivent être à portée de main sans difficulté et instantanément. Aussi ai-je besoin d’une véritable arène avec des tables afin d’avoir sous la main les livres usuels et le matériel iconographique. », cité par Philippe-Alain Michaud, op. cit.

[87] Pierre Leguillon, « La bibliothèque sans linéaire. (Appel.) », in 2.0.1 – revue de recherche sur l’art du XIXe au XXIe siècle, « Art et Bibliothèques », n° 4, fascicule 2, Rennes, Association 2.0.1, juin 2010. Cet article remarquable se conclut par un appel à la sauvegarde de cette bibliothèque.

[88] Idem, ibidem.

[89] Frédéric Paul, « La bibliothèque de l’instituteur », Les Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 72, été 2000.

[90] La Dernière Bibliothèque, LiveInYourHead, institut curatorial de la HEAD, Genève, 7 juin-15 juillet 2012.

[91] Christian Besson, « La bibliothèque du Trichoptère », in Temps exposés. Histoire et mémoire dans l’art récent, sous la dir. de Natacha Pugnet, Nîmes, Esban, 2015, p. 110-113.

[92] Voir notre site Miroir du Trichoptère / The Caddisfly’s Mirror : trichoptere.hubert-duprat.com. Il comprend 2 236 articles à ce jour (consultation du 24 août 2018).

[93] Le Cousin Pons.

[94] Vieux Papiers Vieilles Images. Cartons d’un collectionneur, Paris, Le Vasseur et Cie, 1896.

[95] Victor Bettega, John Grand-Carteret 1850-1927, Grenoble, Les Cahiers de l’Alpe, 1990. Ridiculosa, n°5, « John Grand-Carteret », Brest, Eiris, 1998. Philippe Kaenel, « “Faire revivre l’histoire par l’imagerie vivante” : John Grand-Carteret ; Eduard Fuchs et les cultures vivantes transnationales autour de 1900 », in Quelle est la place des images en histoire ?, sous la dir. de Chistian Delporte, Laurent Gervereau, Denis Maréchal, Paris, Nouveau Monde, 2008.

[96] Champfleury écrivain chercheur, sous la dir. de Gilles Bonnet, Paris, Champion, 2006. Bernard Vouilloux, « Champfleury et le “matériel de l’art” : le langage de l’imagerie populaire », Romantisme, n° 134, 2006.

[97]  « Edward [sic] Fuchs, collectionneur et historien », présentation et trad. de Philippe Ivernel, Macula, n° 3-4, Paris, 3e trimestre 1978. Ridiculosa, n°2, « Eduard Fuchs », Brest, Eiris, 1995. Philippe Kaenel, op. cit.

[98] Walter Benjamin, « Eduard Fuchs, der Sammler und der Historiker », in Zeitschrift für Sozialforschung, n° 6, 1937.

[99] Co-fondateur et premier directeur en 1873 de l’Ethnologisches Museum de Berlin.

[100] Walter Benjamin, op. cit. « seinem unersättlichen Materialhunger ».

[101] Préfacé par Champfleury, Paris, Louis Westhausser, 1885.

[102] L’Histoire – la Vie – les Mœurs et la Curiosité, par l’Image, le Pamphlet et le Document (1450-1900, 5 vol., Paris, Librairie de la Curiosité et des Beaux-Arts, 1927-1928.

[103] Munich, Albert Langen, 1909-1912.

[104] Des saintes reliques à l’art moderne, Paris, Gallimard, 2003, chap. IV : « Collections : une typologie historique », p. 348.

[105] Paris, Charpentier, 1881.

[106] La Révolution dans les mœurs, Paris, Dentu, 1854. Histoire de la société française pendant la Révolution, Paris, Dentu, 1854. Histoire de la société française pendant le Directoire, Paris, Dentu, 1855. Portraits intimes du XVIIIe siècle. Études nouvelles, d’après les lettres autographes et les documents inédits, 2 vol., Paris, Dentu, 1857-1858. La Femme au dix-huitième siècle, Paris, Didot, 1962. L’Amour au XVIIIe siècle, Paris, Dentu, 1875.

[107] Paris, Dentu, 1859-1875.

[108] À l’occasion de l’exposition : Individual Stories. Sammeln als Porträt und Methodologie, Kunsthalle, Vienne, 26 juin-11 octobre 2015.

[109] Saâdane Afif : The Fountain Archives, Centre Georges-Pompidou, Paris, 30 janvier-30 avril 2017.

[110] Aurélien Mole, « Pierre Leguillon. Le factotum du musée imaginaire », en ligne : contenant.net/Pierre-Leguillon,233.

[111] Dubuffet typoghraphe, Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, Paris, 11-14 décembre 2013.

[112] Pierre Leguillon, Dubuffet typographe, Bruxelles, SIC, 2013.

[113] Oracles. Artist’s calling cards, Zurich, Patrick Frey / Genève, HEAD, 2017.

[114] Pierre Paul Rubens (1577-1640) ; Nicolas Fabri de Peiresc (1580-1637). La distinction entre artiste, collectionneur et négociant n’a jamais été précise chez Rubens.

[115] Jeffrey M. Muller, Rubens : the Artist as Collector, Princeton U.P., 1989.

[116] L’artiste collectionneur de dessin de Giorgio Vasari à aujourd’hui, sous la dir. de Catherine Monbeig Goguel, 2 vol., Paris, Société du Salon du dessin / Milan, 5 Continents, 2006.

[117] Portrait de l’artiste. Images des peintres 1600-1890. Catalogue de tableaux et dessins anciens et de photographies du XIXe siècle, introduction de John T. Spike, Elvire Perego et Evelyne Saez, Paris, Haboldt & Co., 1991-1992.

[118] Painters’ Paintings : From Freud to Van Dyck, National Gallery, Londres, 23 juin-4 septembre 2016.

[119] Collections d’artistes, Fondation Lambert, Avignon, 1er juillet-14 octobre 2001.

[120] Jean-Max Colard, « Collections d’artistes en Avignon », Les Inrockuptibles, 28 août 2001.

[121] Francis Alÿs : Fabiola : An Investigation, cat. de l’exposition, Dia Foundation, 2008. Aurélie Sfez, « Francis Alÿs, l’apôtre de sainte Fabiola », Le Monde, 8 août 2017.

[122] Eduardo Paolozzi : Collages and Drawings, Londres, Anthony d’Offay, 1977.

[123] Dont la célèbre This is Tomorrow, organisée par l’Independent Group de l’ICA (Whitechapel Art Gallery, Londres, 1956).

[124] Ray Yoshida’s Museum Of Extraordinary Values, textes de Karen Patterson, Leslie Umberger, Robert Cozzolino, Sheboygan (WI), John Michael Kohler Arts Center, 2013.

[125] « “Unless you do these crazy Things…” An interview with Robert Opie », in The Cultures of Collecting, sous la dir. de John Elsner & Roger Cardinal, Londres, Reaktion Books, 1994. Voir également le site : robertopiecollection.com.

[126] Erró, catalogue général, Milan, Pre-art / Paris, Le Chêne, 1976. Erró 1974-1986, catalogue général II, Paris Hazan, 1986. Erró 1984-1998, catalogue général III, Paris Hazan, 1998. Erró 1987-2006, catalogue général IV, Paris, Hazan, 2007.

[127] Christian Besson, « Erró et les images », in Erró : peintures politiques, cat. de l’exposition (27 février-4 avril) Chalon-sur-Saône, Maison de la culture, 1982.

[128] Gilbert Brownstone, Erró, Paris, Georges Fall, 1972 : « Erró, un consommateur d’images », p. 7 sq.

[129] Vance Packard, The Waste Makers, New York, David McKay, 1960.

[130] Richard Hoggart, The Uses of Literacy, Londres, Chatto & Windus, 1957.

[131] Les Territoires de l’Art Modeste, Ennetières-en-Weppes, Invenit, 2010.

[132] Plus jamais seul : Hervé Di Rosa et les arts modestes, cat. de l’exposition (Maison Rouge, Paris, 22 octobre 2016-22 janvier 2017), Lyon, Fage, 2016.

[133] Site : bernard.belluc.com.

[134] Plus jamais seul, op. cit., p. 86.

[135] Jeremy Deller & Alan Kane, Folk Archive. Contemporary Popular Art from the UK, Londres, Book Works, 2008.

[136] Jeremy Millar, « Poets of their Own Affairs », in Folk Archives, op. cit.

[137] Alain Sevestre, L’Art modeste. Note sur la croûte, Paris, Gallimard, 1995.

[138] Aujourd’hui collection Éric Decelle, Bruxelles. Cf. Unexchangeable, cat. de l’exposition, Bruxelles, Wiels, 2018.

[139] « A conversation between Jim Shaw and Mike Kelley », in Jim Shaw. Everything must go on, cat de l’exposition (Casino Luxembourg / Mamco Genève), Santa Monica, Smart Art Press, 1999.

[140] References & Sources, fascicule inséré dans le coffret Jim Shaw. Left Behind, cat. de la manifestation (7 mai-19 septembre), Bordeaux, capc / Dijon, Les Presses du Réel, 2010.

[141] The Hidden World. Jim Shaw / Didactic Art Collection, publié à l’occasion de l’exposition (Chalet Society, Paris, 25 octobre-29 décembre 2013 / Centre Dürrenmatt, Neuchâtel, août-décembre 2014), sous la dir. de Marc-Olivier Wahler, Londres, Koenig Books, 2014.

[142] Marc-Olivier Wahler, « A Foreword », in The Hidden World, op. cit.

[143] Tristan Garcia, « Five Documents on Truth », in The Hidden World, op. cit., p. 454.

[144] Claes Oldenburg : Mouse Museum/Ray Gun Wing, cat. de l’exposition, sous la dir. de Coosje van Brugen, Otterlo, Rijksmuseum / Cologne, Museum Ludwig, 1979.

[145] Museums by Artists, sous la dir. de AA Bronson & Peggy Gale, Toronto, Art Metropole, 1983. The Museum as Muse. Artists Reflect, cat. de l’exposition, org. Kynaston McShine, New York, Moma, 1998. James Putnam, Art and Artifact. The Museum as Medium, Londres, Thames & Hudson, 2001. The Artist’s Museum, sous la dir. de Dan Byers, Boston, ICA / Munich/Londres/New York, DelMonico/Prestel, 2016. En complément, voir aussi : The Artist as Curator, sous la dir. de Celina Jeffery, Bristol, Intellect, 2015. The Artist as Curator. An anthology, sous la dir. d’Elena Filipovic, Milan, Mousse publishing, 2017.

[146] Elio Grazioli, La collezione come forma d’arte, Milan, Johan & Levi, 2012.

[147] Städtische Kunsthalle, Düsseldorf, 26 mai-7 juillet 1972.

[148] Collection Kunsthaus Zurich.

[149] Großevater – Ein Pionier wie wir, galerie Tony Gerber, Gerechtigkeitgasse 74, 3e étage, Berne, 16 février-20 avril 1974. Idem, ibidem, 9 juin-2 septembre 2018.

[150] Mariana Roquette Teixeira, « The Grandfather Exhibition : A Sort of Manifesto », in Harald Szeemann : Museum of Obsessions, sous la dir. de Glenn Phillips et Philip Kaiser, cat. de l’exposition itinérante, Los Angeles, The Getty Research Institute, 2018, p. 111-127.

[151] Harald Szeemann, « Junggesellenmaschinen », in Junggesellenmaschinen/Les Machines célibataires, cat. de l’exposition itinérante, Venise, Alfieri, 1975.

[152] Marie-Louise Plessen, Daniel Spoerri, Heilrituale an bretonischen Quellen, Casti, Privatdruck von Paul Gredinger, s. d. [1980]. L’œuvre correspondante (1971-1977) comporte 117 fioles rangées sur une étagère. Un multiple de 113 fioles a été tiré en 1981. Une version modifiée, achetée par le Fnac en 1992, est en dépôt au château d’Oiron.

[153] Du bon usage du dépôt de marque, Collège de ’Pataphysique, 4 Décervelage XCVIII [1er janvier 1971].

[154] 1963, coll. Moderna Museet, Stockholm.

[155] L’Optique moderne, collection de lunettes présentée par Daniel Spoerri, avec d’inutiles notules par François Dufrêne, Fluxus, 1963. Coll. Kunstmuseum, Vienne.

[156] 723 Ustensiles de cuisine, galerie J. Paris, 1963. Coll. Kunstmuseum, Vienne.

[157] Le Bonheur de ce monde, 1960-1971, coll. Karl Gertsner.

[158] 1963, terminée en 1979 par des étudiants.

[159] Bertrand Lavier présente la peinture des Martin de 1603 à 1984, Kunsthalle, Berne, 27 avril-3 juin 1984.

[160] Exposition du 15 juin au 29 octobre 2000. Catalogue : Paris-Musées, 2001. Bertrand Lavier était le concepteur de cette exposition aux côtés de Christian Boltanski, Suzanne Pagé et Béatrice Parent.

[161] Op. cit.

[162] Liza Kirwin, Lists : To-dos, Illustrated Inventories, Collected Thoughts, and Other Artists’ Enumerations from the Smithsonian’s Archives of American Art, New York, Princeton Architectural Press, 2010.

[163] Lists of Note : Inventories Deserving of a Wider Audience, compiled by Shaun Usher, Édimbourg, Canongate Books, 2014.

[164] The Archive as a Productive Space of Conflict, sous la dir. de Markus Miessen, Yann Chateigné, Dagmar Füchtjohann, Johanna Hoth et Laurent Schmid, Berlin, Sternberg Press, 2016.

[165] « Fabbrica Rosa. A Conversation with Harald Szeemann’s Assistant Juliette Duca », in The Archive as a Productive Space of Conflict, op. cit., p. 272-278.

[166] The Secret FIles of Gilbert & George, entretien avec Hans Ulich Obrist, DVD, 35 min, Paris, Bureau des vidéos, 2000.

[167] Delphine Durand, André des Gachons et la modernité fin de siècle, Rennes, Presses universitaires, 2014.

[168] Le ciel, entre guerre et paix : André des Gachons, cat. de l’exposition (Musée des beaux-arts et d’archéologie, 7 mars-15 juin), Châlons-en-Champagne, Musée des beaux-arts, 2015.

[169] Maria Morris Hambourg et John Szarkowski, The Work of Atget, t. III, New York, Moma, 1983.

[170] Molly Nesbit, Atget’s Seven Albums, New Haven, Yale U. P., 1992.

[171] Guillaume Le Gall, Collectionner le vieux Paris : Eugène Atget (1857-1927) et le travail de l’histoire, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Paris IV, 2002. Chapitre « Le travail de la collection », in Eugène Atget. Une rétrospective, cat. de l’exposition (site Richelieu, 27 mars-1er juillet), Paris, BNF, 2007 : textes de Guillaume Le Gall et Sylvie Aubenas.

[172] Urformen der Kunst, Berlin, Ernst Wasmuth, 1928.

[173] Die Welt is Shön, Munich, Kurt Wolff, 1928.

[174] Antlitz der Zeit, Munich, Transmare, 1929.

[176] Annette Messager collectionneuse, op. cit.

[177] Wallstrasse, 4, Düsseldorf.

[178] Hans-Peter Feldmann „Laden 1975-2015“. Cf. Annette Bosetti, « Der Lebens-Laden », Arsprototo, Berlin, Kulturstiftung der Länder, automne 2017.

[179] Cologne, Walther Kœnig, 2008.

[180] Londres, Kœnig Books, 2012.

[181] Hôtel Carlton Palace, chambre 763, 22 août-25 septembre 1993. Catalogue : Cologne, Walter König, 2014 (photographies Pierre Leguillon).

[182] Arnolfini, Bristol, 2007.

[183] Lucy R. Lippard, Ad Reinhardt, New York, Harry R. Abrams, 1981, p. 198 sq. : « Chonology ».

[184] Prudence Peiffer, « Ad Reinhardt : Slides », The Brooklyn Rail, 16 janvier 2014.

[185] Pierre Leguillon, Non-Happening after Ad Reinhardt, La Maison Rouge, Paris, 7 avril 2011.

[186] Jérôme Coignard, « L’homme qui collectionnait les images », in Le Vertige des images. La collection Maciet, Paris, UCAD, 2002.

[187] Gerhard Richter, Atlas, Londres, Thames and Hudson, 2006.

[188] Site : gerhard-richter.com.

[189] Épisode 4 : Pas à côté, pas n’importe où, 12 juillet-24 septembre 1989. Cf. Sous le soleil, cat. de la manifestation, Nice, Villa Arson, 1995.

[190] Aby Warburg. Mnemosyne Bilderatlas. Reconstruction – Commentary – Revision, ZKM/Museum für Neue Kunst, Karlsruhe, 1er septembre-13 novembre 2016.

[191] Aby Warburg, L’Atlas Mnemosyne, avec un essai de Roland Recht, Paris, L’Écarquillé / INHA, 2012.

[192] Georges Didi-Huberman, Atlas. How to Carry the World on One’s Back ?, cat. de l’exposition (ZKM/Museum für Neue Kunst, Karlsruhe, 7 mai-28 août 2010 ; Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid, 26 novembre 2010-28 mars 2011 ; Sammlung Falskenberg, Hambourg, 24 septembre-27 novembre 2011), Madrid, MNCARS, 2010.

[193] Abstraction étendue, Espace de l’art concret, Mouans-Sartoux, 10 février-25 mai 2008.

[194] Tous les tableaux sont à l’envers, Circuit, Lausanne, 18 mars-23 avril 2016.

[195] Ce que font parfois les animateurs de Circuit, à Lausanne.

[196] Garance Chabert & Aurélien Mole, « Artistes iconographes », Art 21, n° 25, 2009, p.18-27. Les Artistes iconographes, sous la dir. de Garance Chabert & Aurélien Mole, Annemasse, Villa du Parc, 2018.

[197] Elle exerça ce métier alimentaire jusqu’en 2001. Elle débuta côté agence d’images comme stagiaire, puis exerça côté utilisateurs (agence de communication ou revue). Elle est remerciée en tant qu’iconographe dans certains diaporamas de Pierre Leguillon.

[198] Catalogues communiqués par Céline Duval.

[199] Grafica était une entreprise coréenne, le catalogue date du 6 janvier 1997. Je n’ai retrouvé la trace ni de Grafica Co. Inc., Séoul, ni de Selva Photo, Paris. Image Colour Library Limited a été active entre 1983 et 2002. Le catalogue date de 1996 environ.

[200] Pierre Leguillon, « L’art conceptuel des familles », in cat. de l’exposition Instants anonymes, Strasbourg, Musée d’art moderne et contemporain, 2008. Natacha Pugnet, « Restaurer le passé. Entretien avec Céline Duval », in Temps exposés, Nîmes, Esba, 2015.

[201] documentation céline duval : L’Île aux images, Micro Onde, Vélizy, 28 septembre-14 décembre 2013. Désormais collection du Mac Val, Vitry-sur-Seine.

[202] Site : peterpiller.de.

[203] Archiv Peter Piller, Zeitung, Zurich, Ringier, 2008.

[204] Archiv Peter Piller, Nachkriegsordnung, Genève, Centre de la photographie, 2015.

[205] Archiv Peter Piller, Irrläufer, Graz, Steirischer Herbst, 2017.

[206] Pierre Leguillon présente Diane Arbus : rétrospective imprimée 1960-1971, livret de l’exposition, Paris, Kadist Art Foundation /Douchy-les-Mines, Centre régional de la photographie, 2008.

[207] Exposition Pierre Leguillon : Danse libre, dans le cadre de Futur antérieur, Mamco, Genève, 20 octobre 2010-16 janvier 2011.

[208] museum-of-mistakes.tumblr.com.

[209] Pierre Leguillon. Le Musée des Erreurs : Art contemporain et lutte des classes, Wiels, Bruxelles, 10 janvier-22 février 2015.

[210] D’après une liste reconstituée de mémoire par Pierre Leguillon, reçue le 12 août 2018.

[211] Pierre Leguillon. Le Musée des Erreurs : Barnum, Musée régional d’art contemporain, Sérignan, 15 mars-7 juin 2015.

[212] Pierre Leguillon, 12 août 2018, op. cit.

[213] Pierre Leguillon / Fabrice Schneider, « Museum of Mistakes », Accattone, n° 4, Bruxelles, août 2016, p. 41-51. « Pierre Leguillon’s kitchen, 2016 », photographie Fabrice Schneider, in The Artist’s Museum, op. cit., p. 21.

[214] Site : lesallumeuses.net

[215] Garance Chabert et Aurélien Mole, « Iconographes, iconophiles, iconosaures ? », in Les Artistes iconographes, 2018, op. cit.

[216] André Gunthert, L’Image partagée. La photographie numérique, Paris, Textuel, 2015 : prière d’insérer.

[217] Idem, ibidem, p. 74.

[218] Site : davidboeno.org

[219] Christian Besson, « Le Site de David Boeno », in Actes du colloque Les artistes contemporains et l’archive. Interrogation sur le sens du temps et de la mémoire à l’ère de la numérisation, (Saint-Jacques-de-la-Lande, 7 et 8 décembre 2001), Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 229-237.