Portrait bibliographique
En 1987 paraissait le premier livre consacré à Daniel Buren, celui de Catherine Francblin (Art Press), l’année suivante, l’important album des Photos-souvenirs(Villeurbanne). Jusque-là, pour une vue un tant soit peu générale sur le travail de l’artiste, on ne disposait que du catalogue Discordance/cohérence, rédigé par Rudi Fuchs.
L’amateur devait collectionner les catalogues de galeries, institutions ou musées étrangers : Oxford (1973), Bruxelles (1974), Mönchengladbach, Lucerne, Berlin (1975), Eindhoven, Otterlo et Amsterdam (1976), Milan, Maastricht (1979), Eindhoven (1981), Berne (1983), etc. ; ou de rares catalogues français, plus tardifs : Le Nouveau Musée (1980), Beaubourg (1981), ARC (1983), capcMusée (1991). Ces catalogues ne comportent jamais de liste des expositions, ni de sélection bibliographique. Ils documentent souvent un seul travail, le plus volumineux du genre étant le double volume Légendes consacré aux interventions dans le métro de Paris (Londres, 1973).
Dans la plupart de ces catalogues, les documents sont accompagnés de textes descriptifs, indications minimales de « ce que l’on peut voir », qui s’élargissent à celle des questions posées. Ces sortes de “didascalies” se combinent parfois à un “historique” qui rappelle les conditions de “l’élaboration du travail”.
Dans la logique d’un œuvre soucieux du lieu, les catalogues d’expositions collectives ont souvent été conçus comme des lieux d’intervention plastiques. La publication de la “liste des travaux”, d’ordinaire absente, a été distillée par épisodes : la première fois, dans le catalogue de la Documenta V de 1972 (afin sans doute d’éviter les versions subjectives où ne figurerait qu’une “sélection”), la seconde, en 1974, dans le catalogue du MOMA, Eight Contemporary Artists, prenant rigoureusement la suite de la précédente.
La place importante réservée en général aux textes théoriques de l’artiste s’explique par la position de celui-ci à l’égard de la critique : « […] écrire sur les arts visuels est une occupation bien trop sérieuse pour être laissée aux seuls critiques. » Jean-Marc Poinsot en a donné une édition en trois volumes (Bordeaux, 1991), dont on peut regretter qu’elle soit diffusée maintenant sans le petit fascicule d’index qui l’accompagnait. Parmi ces textes, retenons la série des Mises en garde, Fonction de l’atelier, Limites critiques, Position/Proposition, Exposition d’une exposition, Fonction du Musée, Fonction d’une exposition, A partir de là, Rebondissements… On pourrait sans peine ajouter aujourd’hui un quatrième volume à ces Ecrits où figurent également les textes polémiques ainsi que les entretiens accordés par l’artiste. Celui conduit par Jérôme Sans, postérieur, est l’occasion d’un tour d’horizon fort copieux, habilement thématisé par “sujets”.
La critique patentée a cependant fini par occuper une certaine place : Douglas Crimp, Benjamin Buchloh, René Denizot, Jean François Lyotard et d’autres ont tour à tour avancé une lecture. Seul Guy Lelong (2001) s’est risqué récemment (avec brio) à une monographie générale. En dehors de ces textes “autorisés”, la critique a tenté assez médiocrement de piéger Buren sur son propre terrain, en faisant de ses “rayures” un logo, ou en le qualifiant d’artiste officiel…
On peine encore, semble-t-il, à se mesurer à une œuvre prolixe, protéiforme, et bien plus complexe que ce qui s’en dit. Il reste aussi à évaluer l’influence de l’artiste sur les nouvelles générations, qui n’est certes pas dans le mimétisme (on lira à ce sujet l’intéressante contribution de Nicolas Bourriaud dans le numéo spécial de Beaux-Arts Magazine).
(Christian Besson, « Daniel Buren », portrait bibliographique, Critique d’art, n° 20, automne 2002, p. 85.)